Aujourd'hui, je voudrais vous parler du jeu de rôles qui a marqué mes débuts dans ce loisir, l'incontournable Advanced Dungeons and Dragons. Si ce classique a déjà connu cinq différentes éditions et de profonds remaniements, les années 70 et 80 ont marqué son âge d'or (sur Eighties, ça tombe bien!).
J'ai raconté comment j'avais commencé à jouer à Donjons et Dragons, la boîte rouge et en français qui venait juste de sortir. Je savais qu'il existait une « autre version », plus sophistiquée, de ce jeu, mais elle n'existait qu'en anglais, et dépassait mon maigre budget d'alors.
Advanced Dungeons and Dragons se composait, non pas d'une boîte, mais d'une série d'épais ouvrages vendus séparément. En l'absence d'Internet, en ces temps reculés, je pense que je ne devais même pas savoir combien il y en avait en tout. Ce que je savais, c'est que trois d'entre eux étaient considérés comme le cœur du jeu, et indispensables : Le « Monster Manual », le « Players' Hadbook », et le Dungeon Master's Guide ». Finalement, avec un ami, nous avons décidé de nous répartir la tâche : lui achèterait le « Player's handbook », moi le « Dungeon Master's Guide », et nous utiliserions notre imagination, au début, pour remplacer le « Monster Manual ».
Il y avait un côté "grimoire" dans ces gros bouquins, mais j'ai toujours aimé les boîtes de jeu, avec lesquelles j'ai toujours l'impression d'ouvrir un cadeau (et de pouvoir jouer plus vite)...
En réalité, il faut bien reconnaître que le « Player's Handbook » était le plus important. Mais je l'ignorais et cela ne m'a pas empêché de m'attaquer au « Guide » armé de mon seul dictionnaire d'anglais. En fait, je crois que j'ai commencé à apprendre l'anglais avec ce bouquin ! « Ma » version était celle avec la tranche orange et la superbe illustration de couverture de Jeff Easley (celle citée dans le bouquin « Ready Player One).
Ah oui, parce que je ne l'ai pas précisé, mais il existe deux versions de cet AD&D première édition, et même trois si on compte la version traduite en français.
Petit retour en arrière :
A la fin des années 60, un groupe d'amis américains avait pris l'habitude de se réunir afin de jouer à des wargames, des jeux de simulation qui voyaient s'affronter des armées. En s'inspirant du thème médiéval-fantastique, et notamment du succès du moment, un certain Seigneur des anneaux, deux de ces amis, Jeff Perren et Ernest Gary Gygax créèrent leur propre jeu : Chainmail.
Plus tard, Dave Arneson et Dave Wesley, de ce même groupe d'amis, firent évoluer le jeu en ajoutant des quêtes individuelles pour les personnages.
Chainmail est édité en 1971, mais à cette époque, le jeu auquel jouent Arneson et Gygax, et qui a continué d'évoluer, n'est déjà plus le même : le jeu de rôles est né. Les premières parties sont situées dans des univers fantastiques imaginés par Arneson (qui a pour nom Blackmoor) et Gygax (le monde de Greyhawk). Pour les plus fans, un résumé de la toute première expédition dans un donjon de
Blackmoor...
(Parenthèse : Oui parce qu'à D&D ou AD&D, l'univers est … optionnel. Le but des premières parties étant l'exploration de donjons, on pouvait soit s'abstenir de décrire le reste de l'univers au-delà de quelques généralités typiques d'heroic fantasy / sword and sorcery, ou bien inventer son propre univers. Mais il y a bien eu des mondes « officiels » de ces jeux : le monde de Mystara sera ainsi le cadre de D&D, alors que Blackmoor, puis Greyhawk seront les premiers mondes de AD&D.)
Arneson et Gygax crééent Tactical Studies Rules (T.S.R.), leur société, qui leur permet d'éditer en 1974 Dungeons and dragons, dans sa toute première version. Il s'agit d'une boîte en bois ou aspect bois avec trois livrets (Men & Magic, Monsters & Treasures, The Underworld & Wilderness Adventures) et des "feuilles de références", qui ressortira plus tard sous la forme d'une boîte blanche (appelée aujourd'hui "white box" par les collectionneurs)
Cette première version sera complétée par la suite par cinq suppléments :
Greyhawk (1975)
Blackmoor (1975)
Eldritch wizardry (1976)
Gods, Demi-Gods and Heroes (1976)
Swords and Spells (1976)
(on y trouve de nouvelles classes de personnages, et des éléments que l'on retrouvera dans AD&D)
Mais le jeu souffre de problèmes d'écriture, il est notamment pensé et écrit comme un supplément de Chainmail, faisant sans cesse référence à son aîné, ce qui le rend difficile d'utilisation par des nouveaux joueurs.
En outre, des problèmes surviennent entre Arneson et Gygax et les deux hommes cessent toute collaboration. Gygax ne peut rééditer seul le jeu, mais il prépare dans son coin une nouvelle version qui sera désignée sous le nom de Advanced Dungeons and Dragons (AD&D) dont je parlerais un peu plus loin.
Parmi les apports d'AD&D : les classes de personnages sont désormais distinctes des races, de nouvelles races et classes apparaissent, le principe de l'
alignement est nuancé).
Parallèlement, une boîte destinée à clarifier Donjons et Dragons paraît en 1977. Cette édition est connue comme la « blue box » (boîte bleue), ou révision d'Eric Holmes, et est pensée comme une initiation au jeu.
Elle sera suivie en 1981 de la révision Tom Moldvay, illustrée par Erol Otus. Cette dernière sera la première à être traduite en français en 1982 (une autre édition était en réalité sortie, mais pas du tout officielle, elle sera rapidement retirée de la vente).
L'édition "non officielle"
La version révisée par Tom Moldvay sera également suivie de la parution d'une boîte supplémentaire dite « Expert » (non traduite), permettant de faire évoluer les personnages encore plus loin.
La version française :
Enfin, en 1983 sort ce que l'on a appelé la révision Mentzer, illustrée par Larry Elmore. Cette version complète Donjons et Dragons en permettant de faire progresser ses personnages à travers cinq boîtes colorées : le basic set (boîte rouge) couvre les niveaux 1 à 3, l'expert set (boîte bleue) les niveaux 4 à 14, le companion rules (boîte « verte ») les niveaux 15 à 25, et le master rules (boîte noire) les niveaux 26 à 36, les plus hauts que puisse atteindre un simple mortel... Mais les immortels ont aussi droit à leurs aventures à travers l'immortal rules, la boîte dorée... A noter que seules les trois premières boîtes ont été traduites en français. Mon tout premier jeu de rôles...
La version française :
On notera qu'au fur et à mesure qu'on progresse dans les niveaux d'expérience, le jeu s'oriente vers la gestion de domaines et/ou d'armées, ce qui constitue sans doute un reste de l'époque Chainmail. En fait, les deux premières boîtes sont certainement les plus utilisées et intéressantes, plus proches du jeu que l'on connaît.
(L'essentiel des infos sur la genèse de D&D provient d'un site que je ne parviens pas à retrouver. Peut-être est-il devenu inactif. Bien sûr, je mettrais le lien si je le retrouve ou si quelqu'un me le signale...)
Donc, pour en revenir à AD&D, je me suis rendu compte que dans mon entourage, personne n'avait jamais possédé l'ensemble des livres de ce jeu. Notre budget était limité, beaucoup de livres sont sortis, et l'on disait que seuls trois livres étaient vraiment nécessaires pour jouer. Je savais que la deuxième édition de AD&D sortie en 1989 avait essayé d'harmoniser les règles de la première édition, mais de combien de livres se composait cette première édition ?
En fait, comme je le disais plus haut, quand on parle d' AD&D première édition, il faut distinguer deux versions (trois si l'on considère la traduction française).
Une première version compte cinq livres, parus entre 1977 et 1981, alors que la seconde se compose de douze livres parus entre 1983 et 1988. Pour celles et ceux qui ont comme moi joué dans les années 80, alors que paraissaient peu à peu ces douze tomes, nous utilisions un mélange des deux versions, en fonction des livres que chacun de nous possédait.
La première version de la première édition de AD&D compte donc cinq livres (même si je me suis toujours demandé si le dernier était officiel).
(1977-1981)
1) MONSTER MANUAL (1977)
Le premier livre paru dans la série AD&D est donc un manuel des monstres, Chacun est résumé par ses caractéristiques de jeu ainsi qu'une brève description. Un choix curieux pour une première sortie, car ce livre ne permet pas à lui seul de jouer. Parmi les monstres classiques typiques de AD&D issus des différents livres de monstres et qui ont hanté nos parties : les monstres rouilleurs, cubes gélatineux, ours-hiboux, gobelins, hobgobelins, trolls, gnolls, kobolds et autres beholders...
Je ne sais plus dans le(s)quel(s) figuraient les dragons, dont les caractéristiques variaient en fonction des couleurs. Certains étaient bons, d'autres mauvais. Deux étaient uniques : Bahamut le Dragon de Platine, et Tiamat le Dragon de Chrome (ou plutôt, Dragon Chromatique, avec ses têtes multicolores), que l'on retrouve dans le dessin animé « Dungeons and Dragons » (le
sourire du
Dragon).
2) PLAYER'S HANDBOOK (1978)
Contenant toutes les règles de création de personnages, les descriptions des principales races : humains, elfes, halflings, gnômes, demi-elfes, demi-orcs, nains, et classes comme le guerrier, le magicien, le clerc, le voleur, le ranger, ainsi qu'un système permettant d'en combiner certaines, et l'essentiel des règles (dont celles de combat), il s'agit certainement du plus essentiel des ouvrages de la collection.
3) DUNGEON MASTER'S GUIDE (1979)
Destiné au Game Master (Maître de Jeu, pardon, « Dungeon Master », ou Maître du Donjon), cette bible est sensée contenir tous les éléments nécessaires à la conduite d'une partie de AD&D. C'est un véritable fourre-tout, avec pléthore de tables diverses, et quelques descriptions d'objets magiques étonnants...
+ DUNGEON MASTER'S SCREEN
Le principe de l'écran est de proposer un résumé des principales tables/règles pou le Maître, et une illustration pour mettre les joueurs dans l'ambiance. L'illustration reprise ici est celle du Player's Handbook.
4) DEITIES AND DEMIGODS (1980)
Ressemblant par sa présentation au Monster Manual, ce recueil recense un grand nombre de divinités id'inspirations diverses. Les déités sont classées par panthéon. On trouvait même dans la toute première édition des éléments tirés d'Elric le nécromancien (Divinités de Melniboné) de Michael Moorcock, ou du mythe de Cthulhu d' H.P Lovecraft. Ce volume a été l'une des premières cibles des critiques envers les jeux de rôles...
5) FIEND FOLIO (1981)
Il s'agit tout simplement d'un autre manuel de monstres. Ce volume est le seul qui ne sera pas repris lors de la réédition entamée dès 1983,
Bien sûr, d'autres suppléments sont sortis, mais je ne parle ici que de la collection des livres qui constituent le cœur des règles d' AD&D.
(1983-1988)
La seconde version est plus riche, car elle compte en tout douze volumes, mais perd quelques éléments en route, le Fiend folio disparaît et les déités de Melniboné et de Cthulhu de la toute première édition sont définitivement oubliées.
1) PLAYER'S HANDBOOK (1983)
Le même que la version 1978, avec une nouvelle couverture signée Jeff Easley.
2) DUNGEON MASTER'S GUIDE (1983)
Le même que la version 1979, avec une nouvelle couverture. C'est à cette couverture que fait référence le livre d'Ernest Cline : « Player One ». Le bouquin avec lequel j'ai commencé à apprendre l'anglais.
+ DUNGEON MASTER'S SCREEN
Un nouvel écran reprenant l'illustration du Dungeon Master's Guide version Jeff Easley.
3) MONSTER MANUAL II (1983)
Un nouveau recueil de monstres, différent à la fois du premier et du Fiend Folio.
4) LEGENDS AND LORE (1984)
Il s'agit en fait de la réédition du deities and demigods (sans les déités de Melniboné ou Cthulhu). On notera que le titre évite de faire référence à des divinités, suite aux critiques des groupes notamment religieux aux Etats-Unis.
5) MONSTER MANUAL (1985)
Réédition tardive du premier manuel des monstres. Je ne sais pas ce qui a causé ce retard, mais je me souviens comme on l'a attendu, ce livre. C'est vraiment jusqu'à cette période que l'on était obligé de jongler entre les deux éditions pour pouvoir jouer.
6) UNEARTHED ARCANA (1985)
Les « arcanes exhumées » viennent compléter le manuel des joueurs avec notamment l'apport de nouvelles races (dont les elfes noirs), de nouvelles classes de personnages, comme le barbare, l'acrobate, le druide ou le cavalier. A l'époque, certains ont pu critiquer le déséquilibre causé par les nouveaux éléments contenus dans ce livre.
7) ORIENTAL ADVENTURES (1985)
Cet ouvrage permet de jouer dans le monde de Kara-Tur, la version AD&D d'une Asie mythifiée avec ninja, samurai, sohei (prêtres-guerriers), shugenja (magiciens), bushi, etc. Bon, à l'époque, je ne m'en rendais pas compte, mais les concepteurs ont clairement tenté d'adapter le Japon à AD&D plutôt que l'inverse, et l'univers décrit fait un peu carton pâte.
DUNGEONNEER'S SURVIVAL GUIDE (1986)
« Guide de survie du donjonneur ». Ce livre contient de nouvelles règles additionnelles et un système de compétences, et des informations sur les cavernes et autres mondes souterrains. C'est le dernier livre de la série que j'ai acheté, à l'époque, même si j'ai joué avec les suivants avec mes amis.
9) WILDERNESS SURVIVAL GUIDE (1986)
Un autre guide de survie, cette fois en milieu « sauvage ».
10) DRAGONLANCE ADVENTURES (1987)
Ce supplément de contexte permet de jouer dans l'univers de Dragonlance, qui était au départ une célèbre campagne épique de AD&D située dans le monde de Krynn. Je recommande d'ailleurs la lecture des deux premiers cycles (trilogies) de
romans de Margaret Weis et Tracy Hickman, malgré leur grand classicisme, qui introduit des personnages comme les jumeaux Caramon et Raistlin Majere...
11) MANUAL OF THE PLANES (1987)
Ce manuel permet de comprendre la structure cachée de l'univers de AD&D, les liens entre les différents plans d'existence (plan astral, ethéré, etc) et ce qu'on peut espérer y trouver. Il me semble me souvenir qu cet ouvrage aussi s'est fait longuement attendre avant sa parution effective.
12) GREYHAWK ADVENTURES (1988)
Encore un supplément de contexte. Greyhawk est l'univers développé par Gary Gygax, précédemment paru sous forme d'une belle boîte bien remplie.
La version française :
Elle reprend la version illustrée par Jeff Easley, mais seuls les trois premiers livres (et l'écran) ont été traduits. Il faut croire que l'édition est arrivée trop tardivement, beaucoup de joueurs possédaient déjà la version anglaise, plus complète, et ne souhaitaient pas attendre la traduction des différents tomes. Je me souviens que ces livres étaient vendus en boutiques spécialisées mais aussi dans des grandes enseignes telles que la FNAC...
On a donc eu :
1) MANUEL DES JOUEURS (1987)
2) GUIDE DU MAÎTRE (1987)
(+ ECRAN DU MAÎTRE)
(Là encore traduction de son équivalent anglais, avec l'illustration tirée du Guide du Maître, version Jeff Easley)
3) MANUEL DES MONSTRES (1987)
L'édition française n'est jamais allée plus loin, et allait bientôt être remplacée par AD&D2, la seconde édition d' Advanced Dungeons and Dragons sortie (en VO) en 1989.
Je n'ai personnellement jamais adhéré à cette seconde édition qui a fait les beaux jours de la génération suivante. A cette époque, trop d'autres jeux plus simples, plus originaux, étaient sortis et j'avais un peu fait le tour d' AD&D. Toutefois, je peux comprendre le mouvement de retour vers ce type de jeux qu'on observe depuis quelques années, des joueurs qui cherchent sans doute à retrouver le plaisir simple de ces parties d'explorations de « donjons », peut-être pas très réalistes, mais qui rappellent que le jeu de rôles est avant tout un jeu.