Les chansons humanitaires des années 80 !

Les années 80 ont certes été surnommées “Les Années Fric”, elles n’en restent pas moins les années où la solidarité à grande échelle s’est développée. Les Restos du Coeur, le Téléthon, Action Ecole, SOS Racisme … Toutes ces œuvres humanitaires virent le jour dans notre décennie fétiche. Mais c’est dans le monde de la musique que les projets caritatifs furent les plus spectaculaires, avec de nombreux disques destinés à aider les populations du globe dans la détresse. En avant pour un petit tour des principales chansons humanitaires sorties en France dans les années 80 !

USA for Africa – We are the World (1985)

Commençons par l’original, l’incontournable, le must des chansons caritatives : “We are the world” du collectif “USA for Africa”. Ce n’est certes pas le premier disque du genre, puisque quelques mois plus tôt, nous avions pu découvrir “Do they know it’s Christmas” de la part de nos voisins anglais, le Band Aid.

Mais à vrai dire, tout est parti de là : la grande mode des chansons humanitaires, et particulièrement celles tournées vers l’Afrique et la faim dans le monde. Vous connaissez tous la genèse de cette chanson : Lionel Richie et Michael Jackson s’ennuient à mourir dans leurs luxueuses propriétés, quand Harry Belafonte, chanteur, acteur et philanthrope américain, leur propose de créer une chanson dont l’objectif sera de sensibiliser le monde entier au fléau numéro 1 du moment : la famine qui sévit dans le Tiers Monde.

Ni une ni deux, nos deux amis pondent un tube imparable, et sortent la grosse artillerie : non seulement la chanson est excellente, du MJ pur et dur (saupoudrée d’un peu de Lionel Richie), mais en plus de nombreux amis viendront pousser la chansonnette. Et quand je parle d’amis, je parle pas du Gros Bébert qui chante aux mariages, ou de Gillou l’accordéoniste. Je parle de grands, de très grands de la musique. Ray Charles, Stevie Wonder, Bruce Springsteen, Bob Dylan, Cindy Lauper, Billy Joel, Tina Turner et j’en passe. Le tout avec Quincy Jones à la prod, excusez du peu.

La chanson est un carton international immédiat, et restera le disque humanitaire le plus vendu de tous les temps. Des dizaines de millions de dollars furent ainsi récoltés pour aider l’Ethiopie. La performance vocale des différents intervenants est époustouflante. Chacun a respecté la consigne de Quincy Jones : “Laissez votre égo à la porte du studio”. Et ça se sent, tout le monde est au service de la chanson, et chante comme si des vies étaient en jeu, ce qui est littéralement le cas. Springsteen et Wonder se livrent à un duel amical de toute beauté pendant le refrain final, Ray Charles et James Ingram également, et la jeunette Cyndi Lauper bondit d’émotion quand elle chante, magnifiant encore plus une chanson déjà touchée par la grâce.

Le haut du panier, je vous disais. Une des chansons emblématiques et incontournables de nos années 80.

Chanteurs sans frontières – SOS Ethiopie (1985)

Ou quand la France se met à faire du USA for Africa ou du Band Aid. L’histoire de cette chanson ressemble un peu à celles de ses grandes sœurs anglo-saxonnes. C’est Valérie Lagrange, une auteure compositrice française assez méconnue du grand public, qui décide de transposer le modèle en France. Elle prend contact avec Renaud, la star du moment, dont l’engagement et les prises de positions pour les plus défavorisés ne sont plus à prouver. Avec Franck Langolf, ils composent ce qui sera le tube de l’été 1985, la première chanson française qui peut se vanter d’avoir sauvé des milliers de vies humaines : SOS Ethiopie (que l’on peut aussi trouver sous le nom de “Chanson pour l’Ethiopie”)

Les Chanteurs sans Frontières sont perçus comme une aventure entre potes. Pour le plus grand bonheur de certains, et pour la plus grande aigreur des autres 😉 Le trio Lagrange-Séchan-Langolf fait appel à son cercle d’amis proches parmi les artistes. Qui à leur tour appelleront leurs amis. Renaud appelle Coluche, qui accepte et invite Balasko, Depardieu et Michel Berger … qui invite France Gall. Valérie Lagrange contacte Higelin, qui appelle Aubert et Téléphone, etc.

Au final, une quarantaine de musiciens répondent présent, et pas des moindres : Goldman, Gotainer, Hugues Auffray, Souchon, Voulzy, Véronique Sanson, Cabrel, et bien d’autres. Renaud estime que c’est suffisant. Et s’attire les foudres des frustrés et des oubliés. Lenorman, Dalida, Sardou … la vieille garde ne supporte pas d’être mise de côté par cette jeune génération et joue les victimes par médias interposés, accusant Renaud de “racisme” (vous avez bien lu !) et d’auto-promotion déguisée. Bref …

Certains artistes déclinent l’invitation poliment, retenus par d’autres engagements (Jeanne Mas, Gainsbourg …). Et d’autres refusent catégoriquement de chanter sur le disque. Leurs excuses ? “La chanson est nulle”, “Je paie déjà suffisamment d’impôts”, ou “Jamais je ne bosserai avec Renaud”. Il semblerait bien qu’Eddy Mitchell et Johnny Hallyday fassent partie de ces grincheux, même si tout le monde semble avoir oublié qui a dit quoi dans l’histoire. Et c’est peut-être pas plus mal.

Au final, peu importent les rancœurs et les jalousies, le disque est un méga succès. Bien entendu, Renaud n’est pas Michael Jackson, Aubert n’est pas Springsteen, et Hugues Auffray n’est pas Bob Dylan. Mais il n’empêche que cette chanson, je la trouve très réussie, et je l’écoute toujours avec plaisir, plus de trente ans après. Bilan final : deux millions de maxi-45 tours vendus, et des dizaines de millions de francs récoltés au profit de Médecins sans Frontières et des Restos du Cœur fraîchement créés par Coluche. Parce que les Chanteurs sans Frontières n’ont peut-être pas de frontières, ils n’en oublient pas pour autant leurs compatriotes dans le besoin.

Les Enfoirés – La chanson des Restos  (1986)

Un an après le carton des Chanteurs sans Frontières, la fibre caritative des Français est de nouveau mise à contribution. Grâce à Coluche bien entendu, et à une nouvelle chaîne de restaurants totalement atypique, toujours d’actualité aujourd’hui bien malheureusement : les Restos du Cœur. L’aventure des Restos est née sur Europe 1, un soir d’automne 1985. Le premier hiver se passe tant bien que mal, l’aventure n’en est qu’à ses débuts. Il manque à Coluche et à ses Restos un cri de ralliement, un titre fédérateur. Jean-Jacques Goldman est approché par l’humoriste.

Les deux hommes ne se connaissent pas, ce qui n’empêche pas Coluche d’aborder Goldman au culot : “Salut, pour la pérennité de mes Restos du Cœur, j’ai besoin d’une chanson imparable, un tube immédiat, capable d’être vendu à beaucoup d’exemplaires, et ce très rapidement. Et tu es quasiment le seul en France à savoir faire ça”. JJG accepte le défi. “Pour quand veux-tu la chanson ?” Réponse de Coluche : “Pour la semaine prochaine !”

Goldman se met au boulot dans la foulée, et compose en trois jours cette mélodie inoubliable, et son refrain hyper accrocheur : “Aujourd’hui, on n’a plus le droit …”. Le reste des paroles sera chanté, ou plutôt parlé par quelques gloires du moment : Yves Montand, Michel Platini, Catherine Deneuve, Michel Drucker et Nathalie Baye. On n’est pas dans le grand rassemblement du show-biz comme pour l’Éthiopie, mais dans l’aventure presque intimiste de quelques amis qui ont accepté le challenge.

Alors, la chanson n’est pas d’une qualité extraordinaire. Mis à part Goldman, personne ne sait vraiment chanter. Chacun a enregistré sa partie sur un Nagra (ces gros magnétophones qui servent pour les reportages à la radio), et tout a été mixé en quelques heures pour que le disque sorte à temps. Le disque a connu un succès “raisonnable” : 250 000 exemplaires vendus, deuxième au Top 50, disque d’argent. Pas de quoi offrir des millions de repas aux nécessiteux, mais l’essentiel est rempli : les Restos du Cœur auront désormais leur hymne, une chanson qui sera reprise à chaque concert, lors de chaque campagne des restos.

Et grâce à ce titre, Jean-Jacques Goldman restera à vie, le bras droit de Coluche, le chef adjoint des Enfoirés.

Sampan- Dernier matin d’Asie  (1987)

On va se retrouver un an plus tard, en 1987 donc, et à l’autre bout du monde pour une chanson humanitaire destinée à une autre population : celle du Vietnam. Depuis le milieu des années 70 et la fin de la guerre du même nom, ce magnifique pays asiatique est à l’agonie économique et sociale.

Des dizaines, des centaines de milliers de personnes quittent leur pays à bord des tristement célèbres boat people en espérant des jours meilleurs là où le vent et les vagues les porteront. Peu arrivent à destination. Beaucoup perdent la vie en mer, souvent des familles entières. Il s’agit d’un des plus grands drames humains de la seconde moitié du vingtième siècle.

Vous imaginez bien que plusieurs chansons caritatives ont fleuri de par le monde pour essayer d’aider ces migrants. En France, c’est un collectif appelé “Sampan” (du nom vietnamien de ces bateaux) qui se réunit pour tenter de faire quelque chose.

Ce qui est amusant, c’est que cette chanson est interprétée  par une sympathique troupe qui ressemble à s’y méprendre à l’affiche d’une tournée Stars 80 😉 : des artistes à la mode à l’époque, mais qui ont plus ou moins rejoint l’anonymat par la suite. Très peu de grosses pointures (sauf Jean Jacques Goldman qui est décidément de toutes les aventures humanitaires),  beaucoup de vedettes éphémères (Raft,  les Ablettes, Desireless, Thierry Pastor, Julie Piétri…)

Encore une fois, l’intention est à saluer, mais à l’époque, ce disque sort dans la discrétion. A-t-il récolté beaucoup de fonds ? Impossible de le savoir. Le disque s’est classé pendant 12 semaines au TOP 50, atteignant une honorable 22ème place, mais est-ce suffisant pour déclencher une massive campagne de dons ? Rien n’est moins sûr …

Au niveau des qualités intrinsèques de la musique,  pas vraiment de surprise : des voix différentes qui se succèdent, des chœurs en veux-tu en voilà, et un refrain qui donne envie de filer sa pièce illico. Rien de bien novateur. Mais bon, on n’attend pas d’une chanson humanitaire qu’elle soit originale…

Pour toi Arménie  (1989)

Avec ce titre, on passe dans une autre dimension, celle de la surenchère et de la démesure. Plus de chanteurs, plus de musiciens, plus de voyeurisme, plus de tout.

En décembre 1988, un terrible tremblement de terre ravage la ville de Spitak en Arménie, qui est encore à l’époque une des nations constituant l’URSS. Les images qui nous parviennent sont rudes, la population est très touchée, et comme pour Tchernobyl, le Kremlin a du mal à faire face à la catastrophe.

C’est alors que le plus célèbre des arméniens français passe à l’action : Charles Aznavour. Il contacte ses amis artistes,  c’est à dire la totalité du monde du show biz français, et compose un 45 tours dont les ventes iront aider les personnes qui ont tout perdu.

L’intention est louable, et la démarche est extrêmement honorable. Mais ce qu’il en ressort,  c’est un sentiment de démonstration de force du monde de la chanson française, comme si les artistes qui n’avaient pas été contactés pour l’Ethiopie, ou ceux qui avaient refusé l’invitation, avaient voulu prendre leur revanche et faire encore plus grand.

Une centaine de participants (!!) répond présent. Des personnalités aussi diverses que Nana Mouskouri, Dorothée, Johnny Hallyday et Eddy Mitchell (tiens donc …), Patrick Sabatier, Yves Duteil, Marcel Amont, Henri Salvador, Popeck, Jean-Pierre Foucault, Michel Sardou, Elsa, David et Jonathan, et des dizaines d’autres, ils sont venus, ils sont tous là. Vous vous doutez bien qu’on est loin de la réunion entre potes, mais dans l’hyper too much façon “Faut en mettre plein la vue”.

Le clip est à l’image de la réunion : jusqu’au-boutiste. On a droit aux traditionnelles images du studio où chacun est tour à tour filmé en train de chanter sa phrase, du style “une main qui tient le papier des paroles, et l’autre qui appuie sur le casque pour bien avoir les retours”. Mais en plus, comme si les gens n’étaient pas assez touchés par cette noble cause, on nous colle des images d’une démagogie assez dérangeante, dont la chanson n’avait pas besoin. Des femmes qui pleurent, des cadavres au milieu des décombres, et même le petit orphelin au regard triste amputé des deux jambes.

Encore une fois, je le répète, je suis heureux du succès de ce disque, et je félicite les participants (je vous fais des smileys câlins, et des cœurs avec les doigts, tout ça …), mais je ne pense pas qu’il était nécessaire d’aller si loin pour sensibiliser les français à ce drame.

D’autant plus que quelques mois plus tard, Charles Aznavour déchantera, puisque la fondation créée pour l’occasion a permis à beaucoup de personnes de se reconstruire (c’est le cas de le dire), mais aussi … pour une partie non négligeable des fonds, de financer l’achat d’armes. Le revers de l’humanitaire…

75 artistes pour le Liban  (1989)

Cette fois-ci, c’est le long et douloureux conflit du Liban qui est pointé du doigt grâce à une chanson plutôt atypique, qui ne ressemble pas aux classiques titres humanitaires.

Sortie en 1989, sous l’impulsion de Pierre Delanoë et Cyril Assous, cette chanson n’a malheureusement pas fait de vagues, et est restée cantonnée à une discrétion absolue. Dommage, car outre le fait que ce drame de la fin du 20eme siècle aurait mérité une plus grande prise de conscience de la part du public occidental, ce morceau est réellement original et fait preuve d’une créativité certaine.

On y retrouve un côté très world music, rythmé, loin de là variété des chansons caritatives traditionnelles. 75 artistes se joignent au projet, et parmi eux pas des moindres : Jeanne Mas, Gold, Capdevielle, Soldat Louis, Karen Cheryl, Didier Barbelivien, etc… Et bien que je puisse me tromper, je ne retrouve aucune trace d’un quelconque classement au Top 50

Bon, il faut bien des points négatifs, les réalisateurs ont cru bon de nous coller là aussi des images de bombes, de cadavres et de pleurs dans leur clip. Mais au moins, musicalement, y a de l’effort 😉

En gros, si vous exécrez les chansons humanitaires, si vous êtes allergiques aux refrains où une cinquantaine de stars chantent tous en chœur en se plaignant des misères du monde, bref, si vous tenez quand même à en aimer une, je vous conseille fortement celle-ci.

Roumanie – Le Soleil se lève à l’Est  (1990)

Dernier disque de notre rétrospective, pour le dernier grand événement des années 80 : la guerre civile en Roumanie. Un titre totalement passé inaperçu à l’époque, et pour cause : il s’agit d’un vinyle réunissant presque exclusivement des journalistes et animateurs TV et radio. Pas de stars de la chanson ici, que de la star cathodique et hertzienne, qui profite du micro tendu et du magnétophone pour chanter sa colère contre le régime communiste.

Sauf que ce disque sort en mars 1990, 3 mois après la révolution roumaine, et 4 mois après la chute du Mur. Oooohhhh, qu’il est beau ce courage qui permet de critiquer Ceausescu … 3 mois après sa mort. Qu’elle est noble cette volonté de briser le communisme, alors qu’il a déjà été brisé plusieurs mois avant.

Ehh, les gars, vous êtes des journalistes, ça vous intéressait pas de dénoncer ces ordures PENDANT qu’elles imposaient leur dictature ? C’est bien beau de déplorer le sang et les larmes versées en Europe de l’Est, mais dans les années 80, y avait pas grand monde dans les médias pour parler des excès des régimes roumains, est-allemands et polonais !

C’est d’autant plus dommage qu’il y a plein de monde que j’aime beaucoup sur ce disque : Yves Mourousi, Marie-Laure Augry, Paul Amar, Yves Lecocq, Fabrice, Jérôme Bonaldi … Mais ce disque sort avec un goût d’opportunisme, de la part de la famille médiatique qui avait le pouvoir de dénoncer autrement les choses, et de faire prendre conscience à la population avant 1989.

Encore une fois, je ne veux pas tirer sur l’ambulance, et si ça a permis à Médecins Sans Frontières de récolter des fonds, bah c’est déjà ça. Mais au final, avec une poussive 38ème place et 4 semaines seulement au Top 50, ça donne plus une impression de coup d’épée dans l’eau …

Voilà pour les principaux titres qu’on a pu écouter sur les ondes il y a une trentaine d’année. Une sélection non exhaustive, puisque beaucoup d’autres 45 tours sont sortis bien plus discrètement. Parmi eux, citons “Les Enfants sans Noël” pour la Croix Rouge, “Touche pas à mon pote” pour SOS Racisme, “La faim y en a marre” pour Action Ecole, et pour l’étranger, “Do they know it’s Christmas” du Band Aid. N’hésitez pas à apporter votre contribution dans les commentaires !

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2 Commentaires

  1. Il est vrai que Renaud en a pris plein la gueule au printemps 1985 au sujet de la chanson “Ethiopie” il venait de vendre plus d’un million d’exemplaires de son album “Morgane de toi” et d’enchaîner les tubes avec ce disque tel “En Cloque”,”Morgane de toi” ou encore “Dès que le vent soufflera” et de remplir et d’inaugurer le Zénith …De la jalousie de la part de certains de ses collègues?

  2. Article intéressant, vraiment il en fallait un…j aurais aussi ajouter “la chanson de la vie” ,sous la houlette de la mère de Yannick noah, un collectif d artistes féminin regroupait ,pour ne citer qu’elles : Marie-paule Bell, Barbara, Catherine Lara, Ginette Reno,bibie,Nicoletta,Dorothée, Sheila, Jeanne Manson…

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