S’il fallait retenir une chose de l’aventure de la cinquième chaîne française, c’est peut-être la faculté de détourner de nombreux écoliers des habituelles émissions jeunesse d’après-l’école.
Dès sa création en 1986, la chaîne du Silvio nous a abreuvés de séries américaines, pas chères et très rapidement amorties. Les plus populaires ont fait rugir une brouette de belles mécaniques, regroupant les fistons comme les papas autour de la télé. On pourrait citer K2000, Supercopter, Sherifaimoipeur, ou Tonnerre Mecanique. Et bien sûr CHIPS, puisqu’il s’agit du sujet du jour. Encore que CHIPS (ou plutôt CHiPs pour les puristes) est un peu à part. D’une part parce qu’Antenne 2 en avait diffusé quelques épisodes dès 1983, et d’autre part parce que ça n’est pas vraiment une série des années 80.
Les six saisons se sont déroulées de 1977 à 1983, et tout dans la série baigne dans une ambiance typiquement seventies. Les paysage, où l’on découvre la zone urbaine de Los Angeles et ses vieilles Dodge, Ford ou Chevrolet, les décors où règne le bon goût (les meubles marrons-beiges côtoient les objets orange-ocre sans qu’aucun décorateur n’ait été mis en taule pour ça), et enfin les costumes, qui seraient tout indiqués pour une soirée déguisée sur le thème “Comment le flic des Village People a ruiné ma vie”. La chemise moule-pecs, le futal moule-burnes, le casque moule-tignasse … Tout est au plus près du corps, certainement pour des raisons aérodynamiques, pass’que les pattes d’eph, ça se coince dans le carbu de la Kawa. A noter la prouesse des acteurs, qui malgré ces vêtements fondus dans les muscles, n’auront jamais la moindre auréole de sueur sous leurs aisselles, même en crapahutant pendant des plombes sous le soleil californien et ses 35 degrés généreusement distribués été comme hiver.
OK, je disais donc que dans le genre “Duo de Flics”, l’ambiance et l’esthétique sont beaucoup plus proches de Starsky et Hutch que de Miami Vice.
Reprenons les choses comme il se doit, et laissez-moi vous conter les aventures de nos protagonistes : Jon Baker et Francis Poncherello sont deux policiers de la Patrouille Autoroutière Californienne. Certes, en français, PAC, ça fait un peu rural. Mais en anglais, California Higway Patrol, ça donne CHiPs. Et là, ça fait plus classe, non ?
Nos deux amis sillonnent les grandes artères de Los Angeles à longueur de journée pour y traquer quiconque fait le con sur un engin motorisé, de la mamie étourdie qui a oublié sa ceinture aux plus féroces bandes de pirates des autoroutes. Sur leurs motos, ils font régner l’ordre, et gare à celui qui ne respecte pas les distances de sécurité, ou ne met pas son clignotant avant de tourner. M’en vais te verbaliser tout ça, moi … ça rigole pas chez les patrouilleurs.
Un grand blond calme et raisonné à ma gauche (Jon Baker), un petit brun gaffeur et intrépide à droite (Ponch), qui nous jouent un duo de flics amis à la ville et au boulot, et empêchant les p’tits filous de semer la zizanie à Los Angeles. Tout ça au milieu des 70’s … A première vue, CHiPs peut être perçu comme le “Starsky et Hutch” du pauvre.
Et vous auriez toutes les raisons de le penser : alors que les uns résolvent des enquêtes passionnantes, saupoudrés de drogue et d’armes à feu, et avec des vrais morceaux de cadavres dedans, les autres n’ont que leur gyrophare et leur sirène pour se faire respecter. Starsky et Hutch manient le flingue dans leur Ford Torino rouge et blanche, alors que Jon et Ponch alignent des PVs sur leurs 103 SP.(On me signale en régie que ces mobylettes sont en fait de belles Kawasaki rutilantes. Désolé pour mon ignorance, mais pour moi, un deux-roues est un deux-roues !)
Deux poids, deux mesures. Jon et Ponch auraient pu de l’avoir mauvaise, à se farcir les contredanses. Que nenni ! Alors que dans la plupart des films et séries US, se retrouver à la circulation est considéré pour un flic comme la pire des humiliations, la punition ultime avant une fin de carrière pathétique, Jon et Ponch, eux, aiment leur métier, mettent un cœur gros comme ça à l’ouvrage, et nous montrent qu’être à la circulation, ça peut être aussi excitant que se retrouver à résoudre le sac de nœud d’une intrigue meurtrière.
Les 139 épisodes de la série suivent presque toujours le même cheminement : l’intrigue principale se dessine au début de l’épisode. Il s’agit d’un grave délit opéré par des personnes très mal élevées sur l’autoroute : une série d’attaques à main armées sur les aires de repos, des vols de voitures, des agressions de personnes en panne, etc. … Puis place au générique : sortez les peaux de chamois, et faites moi briller tous ces chromes !

Entre-temps, les épisodes seront ponctués de menues interventions plus ou moins cocasses, sans rapport avec l’histoire principale, mais offrant des intermèdes rafraîchissants : un papy en état d’ivresse, un véhicule rempli de serpents renversé sur la route, un défilé de minettes en maillot de bain au bord de l’autoroute provoquant un embouteillage monstre … Il se passe toujours quelque chose sur le bitume, et rien n’est fait pour épargner nos deux motards qui doivent mettre de l’ordre dans tout ce boxon.

Ajoutez à cela le regard sérieux et responsable du grand blond, et le sourire espiègle du petit brun, qui laisse apparaître ses 348 dents éclatantes, et vous aurez une série où l’humour est omniprésent et la routine inexistante.
J’vous fais faire un p’tit tour des personnages ? Allez, mettez-vous sur la selle arrière de ma Kawa. Oui, je sais, on a l’air bien bête, mais mettez moi AUSSI ce casque à visière. Et puisqu’on n’a pas peur du ridicule, même tarif pour les Rayban et les gants en cuir beige. Attention aux cuisses, le cuir ça chauffe par cette chaleur.

Interprété par Larry Wilcox, le personnage est à l’image de l’interprète : rigoureux et sérieux. Il a pris des cours de théâtre et de comédie dans sa jeunesse, a servi au Vietnam. il est très appliqué dans son travail, et prend son rôle très à cœur. On se rend compte dans son jeu qu’il ne laisse rien au hasard : il apprend ses textes, n’improvise pas, et effectue une bonne partie de ses cascades à motos. Auparavant, il a joué un rôle dans « Lassie », mais Jon Baker est son premier rôle d’envergure.

Il a une confiance en lui à toute épreuve, et ne doute à aucun moment de son charme, tout persuadé qu’il est de pouvoir emballer la moindre minette en claquant des doigts. Gaffeur et incorrigible grand gamin turbulent, il n’hésite pas à maltraiter la mécanique de sa moto lors de son service. Lors des deux premières saisons, il habite dans un immense camping-car ascendant mobile-home archi-bordélique, garé à l’année dans un camping, prétexte à de nombreuses rencontres avec de coquines vacancières en bikini …
Vous l’aurez compris, Ponch est un sacré numéro, et là aussi, il est fidèle à son interprète : En 1977, Erik Estrada est un jeune acteur quasi-inconnu dans le milieu. Il s’est incrusté au casting de CHIPS et a décroché la timbale. Le problème est qu’il ne possédait même pas son permis moto ! Il a été obligé de le passer lors des ultimes répétitions.
Son insouciance dans la série comme dans la vie lui a valu plusieurs accidents, dont un très sérieux en 1979 qui aurait pu lui être fatal. Il joue ses rôles “au feeling”, laisse une grande place au freestyle.

Comme tous les chefs, il a des chouchous, et des gars dans le collimateur. Il félicite donc régulièrement Jon, le gentil discipliné, pour la qualité de ses rapports et son respect des procédures. En revanche, vous vous en doutez, c’est souvent la fête à Ponch, vu ce qu’il coûte en assurance ou en réparations de machines. Mais au fond, il aime bien tout le monde et reste un chef très apprécié. Il est interprété par Robert Pine, que l’on a pu voir également dans Magnum, Star Trek ou les Mystères de l’Ouest
Les collègues:

Derrière la caméra:
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la série CHiPs n’a pas connu de grands noms de la production ou de la réalisation. Créée par Rick Rosner (qui reste totalement inconnu en France si ce n’est pour CHiPs), et produite par la MGM, la série a occupé plusieurs réalisateurs, parmi lesquels Phil Bondelli (qui a aussi réalisé quelques épisodes de ‘Hooker’) ou John Florea (Bonanza, V, McGyver …).

Le plus grand exploit de la production, en fait, est d’avoir maintenu une bonne ambiance lors des tournages. Parce que visiblement, les deux complices à l’écran l’étaient beaucoup moins IRL (acronyme destiné à capter une audience plus jeune, y’en a marre des trentenaires ici, wesh wesh lol kikou).
Larry Wilcox (Jon-le-blondinet) était prévu pour être LA star de la série, le vrai premier rôle. Quelle ne fut pas sa surprise de voir débarquer Erik-la-dent-blanche, et rafler tous les suffrages dès les premiers épisodes ! Eh oui, en cette période « Disco-paillettes-Faut qu’ça brille » de cette fin des 70’s, on aime bien les exubérants, les antihéros, bref, les grandes gueules loin d’être parfaites mais hyper-attachantes. Et en ce domaine, faut bien reconnaître que tout beau gosse parfait qu’il est, à côté de Ponch, le grand blond a le charisme d’un bigorneau charentais.

En 1980, au milieu de la série, Larry Wilcox a notamment dit de son coéquipier que « ça ne rimerait à rien de clamer que c’est mon meilleur ami, car il ne l’est pas et ne le sera jamais. […] Nous sommes juste deux personnes radicalement différentes, et je ne peux pas envisager de bonnes relations ». Recruté en premier lieu, il ne s’est pas privé de critiquer publiquement le choix d’Estrada pour le rôle : « C’était une ânerie de choisir quelqu’un pour jouer Ponch, juste parce qu’il est photogénique ».
Et je passe sur d’autres enfantillages comme le classique « Vu qu’il ne m’a pas invité à son mariage, je ne l’inviterai pas au mien », ou « Je l’ai secouru après son accident, mais il ne veut pas de moi à l’hôpital, l’ingrat ! », etc. Ambiance …

Larry Wilcox a quitté la série à la fin de la cinquième saison, et après une année d’agonie, les scénaristes et la prod’ ont abrégé ses souffrances (de la série, pas de Larry !) et tiré le rideau.
Nos deux p’tits gars ont tenté d’autres aventures, et pour faire court, on peut conclure qu’ils sont retombés dans l’anonymat. Larry Wilcox a tout d’abord auditionné pour le rôle d’un autre flic dans un projet de série qui serait diffusée dès 1984. Rôle qu’il n’a pas eu, puisque l’heureux élu fut … Don Johnson ! Et oui, Jon Baker a failli se transformer en Sonny Crockett dans Miami Vice !


Concernant la série CHIPS, elle a fait l’objet d’un téléfilm en 1999, avec les vrais protagonistes de l’époque, qui ont chopé pas mal de cheveux blancs, mais s’entendent de nouveaux comme larrons en foire (c’est fou comme on peut faire la paix facilement quand il y a un ‘tit chèque à la clé). Les personnages y ont évolué, sont tous les deux mariés et pères de famille, mais font toujours la loi sur les autoroutes californiennes. Etant inédit et jamais diffusé en France, vous pouvez toujours vous accrocher pour trouver le DVD …

En attendant, je garde en mémoire ces chouettes aventures que je suivais sur La Cinq après l’école. Je me souviens parfaitement de ces épisodes qu’on regardait d’une traite, avant de se lancer dans la rue sur nos Bicross en nous prenant pour Jon et Ponch. Moi, j’étais un tout petit brun, donc j’avais toujours le rôle de Ponch ! 😀 On s’improvisait des parcours de routes accidentés avec des cailloux ou des vélos renversés, et on slalomait dans ce bazar en se prenant quelques gamelles et des égratignures !

La série n’était donc pas aussi addictive que les autres grosses cylindrées telles que Supercopter ou K2000, mais les personnages étaient familiers, et l’intrigue gentillette, d’autant plus qu’elle lorgnait plutôt du côté comédie que tragédie : il est très rare que les accidents fassent des victimes mortelles (tout au plus une petite quinzaine d’accidents fatals en 6 saisons). En règle générale, malgré la tôle froissée et les poursuites à motos, les imprudents s’en tiraient simplement avec quelques égratignures.

Pour les besoins de la série, une quantité assez impressionnante de caisses étaient accidentées à chaque épisode, les carrossiers de la Cité des Anges ont du sacrément faire leur beurre. Ce qui signifie que les voitures destinées à la casse avaient déjà un certain âge lors des cascades, renforçant le côté vieillot de la série. Ajoutons à cela les acteurs victimes de la mode et les décorateurs adeptes du tout-orange, et forcément, au niveau des yeux, de nos jours, ça pique un peu … 😉
Mes charmants collègues ayant eu le bon goût de m’offrir le DVD de la première saison pour mon anniversaire (merci encore à ces généreuses personnes soucieuses de mes longues soirées d’hiver), je m’engloutis en ce moment ces épisodes, en attendant que les saisons suivantes arrivent en France (la saison 2 n’est dispo qu’aux USA pour le moment). Je ne pourrais donc pas vous dire comment tout ce déballage de goudron se termine, à vous de le découvrir !

Bonsoir
Merci pour tous ces détails, c’est super !
Je suis une écrivaine inconnue et les 2 motards sont les papas de mes deux héros dans l’un de mes manuscrit. Je suis née en 1974 ! Et tout cela m’aide. Car il y a tellement longtemps que la série ne passe plus. J’avais regardé les coffrets DVD, je les ai trouvé encore assez chers. J’étais ado quand c’est passé la dernière fois à la télé, donc un peu de lacune dans mes souvenirs. Donc encore merci !