Les coffrets de trains Jouef des années 80 !

 

Dans les années 80 il était courant de recevoir, en certaines périodes de l’année, des catalogues de supermarchés avec des idées cadeaux. Parmi eux, on se souvient tous des premiers trains électriques pour les apprentis modélistes, dont le fameux coffret TGV de marque Jouef, symbole de la modernité française en ce début des années 80, promo en miniature d’un fleuron de la SNCF que le monde nous enviait… J’arrête là les commentaires dithyrambiques et je me souviens…

 

Etais-je le seul à baver devant ces coffrets tout inclus, avec des trains réalistes, fins, sans rien de commun avec les classiques trains jouets ? Qui aurait aimé trouver ce coffret volumineux sous le sapin ? Car il faut bien savoir que Jouef c’était du sérieux, la seule marque tricolore présente sur le marché, à avoir démocratisé le modélisme ferroviaire qui en avait besoin, avec une production de masse, fidèle aux trains SNCF et d’un bon rapport/qualité prix, abordable pour les classes moyennes.

 

Il n’est en effet pas question de « jouer » bêtement avec le train tournant sur lui-même sur un éternel circuit en cercle comme on en avait abreuvé autrefois les enfants. Ici le modélisme ferroviaire est une discipline sérieuse, loisir créatif par excellence, base de la construction d’un réseau complet avec un décor réaliste, d’ailleurs le train est parfois prétexte à réaliser un paysage animé !

 

Jouef proposait dans ses catalogues la construction d’un mini-réseau en ellipse, à améliorer (avec les conseils du grand modéliste Alain Pras, présent dans le catalogue 1981 comme souvent à cette époque dans la rubrique modélisme de La Vie du Rail, vulgarisant ce hobby). Mais avant tout, elle visait un public jeune avec ses coffrets (alors que la concurrence des jeux électroniques faisait rage, les jeux vidéo envahissant tout, le pari était risqué). Tout jeune pouvait d’ailleurs voir une demi-rame TGV sur socle exposée dans les agences de voyage, fabriquée pour celles-ci par la marque.

On les trouvait, ces coffrets, dans les gros supermarchés souvent en période de fêtes de fin d’années, les catalogues distribués dans nos boîtes aux lettres montraient souvent les coffrets en photos, dont le fameux TGV Paris Sud-Est orange, très seventies bien que lancé en 1980 comme la version Jouef. Celle-ci est raccourcie à une motrice, deux voitures 2è classe et une fausse motrice (=loco non motorisée), pour une rame avouez que c’est le minimum syndical, heureusement le catalogue de la marque proposait des compléments.

 

On trouve dans le coffret un transfo 220V/12V à 3 vitesses Av et Ar, douze rails courbes (=le fameux cercle) et deux rails droits, ouf, pour faire une ellipse et pourquoi pas mettre un quai en carton devant les portions droites ! Pas d’aménagement intérieur mais tout y est, pantographes en plastique, logos TGV, boggies conformes aux vrais et des décalcos pour choisir le numéro de la rame… Dont l’incontournable rame 16 au record de vitesse de février 1981 avec ses 380 km/h.

 

Plus tard on suit l’actu, en 1988, donc le TGV Atlantique débarque, avec son record de vitesse Jouef en fait mention obligatoirement sur la boîte histoire d’attirer le chaland… Ici une voiture 1ère et une autre 2è classe tout conforme aux vraies, motorisation solide mais manque de lest ce qui fait que paradoxalement, à grande vitesse (à l’échelle !) votre TGV part dans le décor en courbe, au prix d’un aller-simple.

 

Pour 300 F environ, on trouve tout ceci dans un coffret en carton et plastique puis en polystyrène avec couvercle transparent censé valoriser davantage le tout, à partir de l’année 1987. Un dépliant donne des conseils d’entretien au modéliste en herbe, car il est censé être un enfant peu soigneux (!) et quelque pub montre que le coffret n’est qu’un point de départ vers un univers encore plus magique, laissant libre cours aux rêves de voyages et d’évasion qui sommeillent en chacun de nous.

 

Une brochure Jouef paraît en 1984 avec dix plans de réseaux à partir de références de son catalogue, réalisée par Clive Lamming, une grande pointure du modélisme.

 

La concurrence sort en 1980 un TGV PSE, de marque Lima, firme italienne tournée vers le public juvénile, puis un TGV postal jaune qu’elle sera seule à produire vers 1986-1990, aujourd’hui très rare. Résultat satisfaisant par rapport au Jouef dont la couleur est directement celle du plastique moulée contre une mise en peinture intégrale chez Lima (même si les moteurs Lima n’étaient pas terribles). Et en plus tous nos TGV sont éclairés en marche par la loco pour ajouter à l’animation. Une firme low-cost, et je suis modéré, vendait une évocation de TGV également sous la marque Jouef, bien qu’étant moins terrible. C’était le français Fobbi. Il produisait en tant que sous-traitant Jouef.

Régulièrement nos dépliants des grandes surfaces proposent aussi des coffrets Jouef représentant des trains de marchandises aux compositions variées, et différentes dans les mêmes boîtes selon les années, ou selon le stock à écouler ?!

 

On a souvent un wagon porte-autos, un fourgon, un wagon citerne, et un wagon plat bâché ou plat avec des containers, par contre celui qui veut un train complet avec plusieurs wagons du même type comme les rames de trémies « Transcéréales » est prié de passer son chemin, et d’acheter les wagons chez le détaillant, d’après les références au catalogue… Certes ce sera plus cher mais avec toutes les inscriptions comme sur les vraies trémies, la classe quoi.

 

La qualité de certains matériaux, dont ceux de marque Fobbi laisse parfois à désirer, les locos illustrant le coffret n’ont rien à voir avec celle fournie, pas terrible esthétiquement ni mécaniquement, si légère qu’elle patine si vous y ajoutez un wagon en plus de la panoplie… Du matos vient d’une usine Jouef d’Irlande (Playcraft), le reste de l’usine-mère à Champagnole qui paraît-il délocalisait une partie à Hong-Kong et en Slovénie chez Mehano.

 

Les noms accrocheurs, Super Triage, Trafic, Capitole, Corail, annoncent le contenu qui évoque des trains de messageries ou des trains passagers d’époque. Quelques gadgets tels sémaphore, grue, station de lavage de voitures voyageurs complètent les équipements de coffret laissant moins une impression bas de gamme, alors que des locos sortent en rouge fantaisie au lieu des bleu diesel et vert réglementaires. Parfois on a un aiguillage avec un demi-rail équipé de heurtoir…

 

Résumons, attirés par la pub, fascinés devant le rayon garni de coffrets, certains d’entre nous franchissent le pas (merci mes parents) puis découvrent le tout… La réalité… Parfois décevante… Car pour les enfants la marque n’a pas mis le meilleur : rails pas chers en acier (au lieu du maillechort que vend pourtant Jouef) qui conduisent mal le courant d’où à-coups, problèmes de fonctionnement, un ralenti nul, des éclisses mal conçues à resserrer souvent à la pince croco, nettoyage très/trop fréquent des roues et rails à l’alcool à brûler, plus l’absence de place dans nos appartements modernes qui font qu’on installe le bazar sur la table du salon tous les 36 du mois… Avouez qu’il y avait de quoi se dégoûter en raison de ces mauvais fonctionnements, et combien de carrières de modélistes se sont-elles arrêtées nettes, brisées, là, devant un TGV qui n’avance pas ou un train de marchandise fragile et dont les accessoires vous restent dans la main à chaque manipulation ? En plus, des essieux ont un défaut : la roue se « balade » parfois sur son axe provoquant déraillements ou accrochages aux aiguillages, des voitures voyageurs sont d’un modèle standard sans vitres, maquillées en Corail quand bien même les voitures Corail Jouef existent. Faute de place, pas de possibilité de faire évoluer un réseau.

 

Donc retour du matos au coffret, puis sous le lit… Débarras en vide-grenier pour certains, aux encombrants pour les autres, vente sur internet pour quelques-uns. Une belle pièce de collection désormais suite à la disparition de Jouef en 2001, minée par les difficultés, reprise par Hornby qui vend sous les deux noms. Très fragile, le polystyrène du coffret se brisait après quelques années, la poignée restait dans la main, les vis de fermeture se perdaient et le couvercle virait au jaune ! Finalement les boîtes carton « ancienne génération » vieillissaient mieux…

 

Ces coffrets de supermarchés partaient d’une bonne intention mais un enfant non encadré par un adulte risquait fort de jeter l’éponge vu les désagréments que certains d’entre nous avaient vécus, d’autres furent tenaces et continuèrent plus tard, une fois plus grands, plus mâtures, soigneux, documentés et indépendants financièrement.

 

Jouef, marque très présente dans les années 80 a échoué avec cette politique commerciale décevante, elle n’a pas su attirer durablement le public vers le modélisme ferroviaire, créant des générations de dégoûtés du train miniature (et j’en connais), faute de faire de la qualité même si le prix déjà élevé aurait nécessairement suivi à la hausse. Elle a perdu la jeunesse au profit d’amateurs adultes plus fortunés et expérimentés qui pouvaient s’offrir mieux, notamment du côté des marques allemandes. Connues pour leur sérieux.

 

Mais en restant chez Jouef, avec un meilleur budget on ne manquait de rien, bon transfo 1200 « electronic », mot qui faisait vendre à l’époque, rails et aiguillages maillechort à commande électrique, ayant une bonne conductibilité du courant, locos détaillées, wagons finement reproduits, voitures aménagées avec kit éclairage, signaux lumineux fonctionnels, interrupteurs et rails à coupures pour créer des portions isolées et faire circuler plusieurs convois… Les adultes ne risquaient pas d’abandonner ce loisir au bord de la route. Des versions de coffrets luxe dits « TGV modéliste » s’adressaient à eux. En tout cas je vous invite à regarder si un tel coffret ne traîne pas chez vous, sous le lit, dans la cave ou le grenier, et gardez le précieusement. Sinon les brocantes en proposent encore, mais plusieurs fois le prix !

 

Aujourd’hui moins présent en supermarché car destiné au public adulte, ce loisir qu’est le train miniature a autant marqué la décennie 1980-1990 avec Jouef que les jeux Nintendo, leurs concurrents sérieux. Le train électrique à la portée de tous, belle illusion, fut présent alors que les jeux « virtuels » s’imposaient, supplantés depuis par la suprématie de l’ordinateur.

 

Merci à Philippe Galaup webmestre du site Les trains Jouef pour m’avoir aimablement autorisé à publier des images issues de son site : http://lestrainsjouef.free.fr/


2 Commentaires

  1. Bonjour et merci pour cette article dans lequel je me reconnais pleinement, à savoir le “foutage de gueule” qu’étaient les coffrets par rapport aux pièces achetées à l’unité. Les motrices, surtout, n’avaient rien à voir avec les modèles que l’on pouvait acheter (enfin moi j’étais pas assez riche lol) chez le détaillant Jouef de ma ville. De plus en effet les trains marchandises étaient constitués d’un wagon par “type” et c’était totalement irréaliste, mêeme à 8 ans je constatais que les trains que je voyais passer devant ma fenêtre étaient longs et souvent constitués d’un seul type (citernes, wagons plats, trémis…). J’ai ce matin fait un peu le tri dans toutes les boites à chaussures dans lesquelles tout mon matos est rangé, car même à bientôt 40 ans je n’ai pas de place chez moi pour mettre un vrai réseau, donc un jour peut être mais en attendant ça reste au placard 🙂

  2. oui, je n’ai jamais compris le fonctionnement commercial des gars de Champagnole: le matos pouvait être correct, mais avec les “rails gris” en entrée de gamme, ces coffrets étaient condamnés à ne plus tourner après quelques temps. Ils avaient pourtant des rails maillechort qui tenaient la route. Quant à la gamme de matériels roulants, les prix étaient élevés, quelquefois les même que leurs homologues allemands, pour une qualité nettement moindre. les wagons étaient souvent jolis, avec une finition correcte, mais la encore, les roues en acier moulé couleur chromé étaient du plus vilain effet. cela faisait ressembler les wagons à un véhicule tuning. Et la encore, un détail irritant: il fallait racheter des essieux brunis en accessoire, difficile à trouver. quant à avoir des pièces détachées ou du matos en vente par correspondance, tu pouvais te gratter. Cependant, comme ce matériel était archi répandu, on en trouvait partout. c’est de cela dont je me suis servi pour faire des modèles en zéro étroit (voie étroite industrielle échelle 1/43, au lieu de voie normale, échelle HO 1/87)

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