Si tu me prends par les sentiments, je ne peux plus rien faire (même si je risque de m'attirer les foudres d'un modérateur, pour hors sujet notoire). Je préviens tout de suite c'est un beau pavé dont j'ai le secret, mais tu l'auras voulu, hein ?!
D'abord, il y a la ligne, très arrondie, mais aussi ultra aérodynamique. Très originale aussi, soit on aimait, soit on détestait, mais elle ne laissait clairement personne indifférent. Moi, j'adore, je trouve que la voiture a une classe à part, avec ses formes à la fois arrondies et très élancées. Par contre ma mère n'a jamais aimé (je dirais presque honte à elle, mais comme elle trouve la 911 magnifique, je ne dis rien). La 928, c'était aussi son V8, qui a d'ailleurs servi de base au moteur de la 944, à la sonorité tout à fait enivrante. Un ronronnement de gros chat (ou plutôt, de gros lion) en bas des tours, et un grondement rauque et sauvage en haut. C'est moins grisant qu'un flat-six, mais aussi beaucoup plus feutré. Bref, ça a tout son charme, c'est juste une philosophie différente par rapport à la 911. En parlant moteur, justement, et pour répondre à ta question, le moteur est né avec une cylindrée de 4 474 cm3, pour une puissance de 240 chevaux. Respectable certes, mais insuffisant pour inquiéter Ferrari (pourquoi autant de timidité, la crise pétrolière peut-être ?!). Et puis, en 1979, Porsche a légèrement accru la cylindrée du moteur (passé en 4 664 cm3), et l'a bien retravaillé en profondeur, pour sortir 300 chevaux sur la 928S (un gain plus que conséquent). Les performances ont largement progressé, de quoi inquiéter sa Majesté 911, y compris en 3.2 litres. La S2 est passé à 310 chevaux en 1983, le reste ne changeant pratiquement pas. Il faudra attendre 1986 avec l'arrivée de la phase 2 pour voir le moteur poussé à 5 litres, pour une puissance qui n'augmente que de 10 chevaux, mais un gain de couple appréciable. C'est la 928 S4. La GT est arrivée en 1989, et gagne encore 10 chevaux. La dernière 928 produite fut la GTS (1991-1995) avec son gros 5.4 litres développant 350 chevaux, c'est d'ailleurs la plus prisée car la plus performante et la plus aboutie en règle générale (compter encore jusqu'à 25 000 € pour ce modèle, mais vu les prestations, c'est carrément un cadeau !).
Peu importe la version, ce qu'il faut retenir du moteur, c'est un couple phénoménal, favorisé par sa très grosse cylindrée. Avec la version S de 300 chevaux, qui est la déclinaison par laquelle la 928 a acquis ses lettres de noblesse (comme on dit), il n'est jamais besoin de tirer les intermédiaires au delà de 4 000 tr/mn. C'est largement suffisant pour dominer pratiquement tout ce qui roule sur la route, encore aujourd'hui. Et au delà de 4 000 tr/mn, le moteur devient très rageur, presque une bête féroce. On viendrait presque à en regretter le poids élevé qui avoisine les 1 600 kg, même si celui-ci n'empêche pas des performances évidemment très élevées. Certains considéreront que ce V8 manque de personnalité ou de caractère. Mais il faut bien comprendre que la philosophie de la 928 tient plus de la grande GT que celle de l'ultra-sportive qu'est la 911. Et quand on a intégré ça, on comprend mieux pourquoi ce formidable V8 lui va comme un gant ! Bref, mis à part sa consommation gargantuesque, ce moteur a réellement toutes les qualités dont on peut rêver, aujourd'hui encore.
La 928, comme je le disais, nous le savons, est plus une GT qu'une sportive pure et dure, c'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle n'a pas remplacé la 911, contrairement aux aspirations de départ chez Porsche. C'est une authentique GT luxueusement équipée, dans lequel on peut très bien rouler à une allure de sénateur, le cigare au doigt et dans le confort d'un palace. Le moteur très coupleux s'avère suffisamment souple et docile pour une telle utilisation. A des allures rapides, sans forcément rechercher la conduite sportive, elle est nettement plus facilement utilisable qu'une 911, dans laquelle on se fera bien plus de sueurs froides à allure identique. D'ailleurs, sur autoroute, et même à plus de 220 km/h, la 928 reste tout à fait impériale, la voiture tient le cap sans aucune difficulté, et toujours dans un confort incomparable. L'attention du conducteur n'est requise que pour surveiller, et en cela, les limitations de vitesse prennent une dimension carrément farce, peu importe la route (dangereux pour le permis, diront certains) ! Bien évidemment, une 928 accepte d'être menée à la cravache. Elle s'avère d'ailleurs redoutable, y compris sur des tracés très sinueux, sur lesquels elle se montrera étonnamment agile, avec un peu de doigté. Son architecture de type "transaxle" lui confère un excellent équilibre des masses, ce qui la rend nettement plus tolérante qu'une 911 à l'architecture "tout à l'arrière". Pour autant, il est vrai que dans ce type d'utilisation, une 911 réalise une meilleure synthèse, parce qu'elle exige beaucoup plus de son pilote. Lequel trouvera que les défauts de la 911 sont autant de qualités, rendant le pilotage plus jouissif. Encore une fois, ce sont des philosophies très différentes.
A l'heure actuelle, il est difficile de comprendre pourquoi la 928 était si boudée et pourquoi elle l'est encore aujourd'hui d'ailleurs (comme pour toutes les Porsche à moteur avant, du reste). Son prix d'achat à l'époque, très certainement, puisqu'il était deux fois plus élevé que celui d'une 911 (déjà loin d'être donnée), ce n'est pas rien, même en sachant qu'elle était nettement plus orientée haut de gamme. Comme dit précédemment, elle est encore boudée aujourd'hui, malgré des prix plus qu'abordables. Il est en effet aujourd'hui possible de rouler en 928 pour le prix d'achat d'une citadine, pas plus ! Par contre, le coût d'utilisation et d'entretien n'aura plus rien à voir, la voiture consomme facilement 16 litres dans le cadre d'une utilisation mixte, et sans trop taper dedans. Dans le même ordre d'idée, elle est gourmande en pneus et en huile (de compétition, évidemment), le coût des pièces de rechange et de carrosserie sont toujours facturées au prix Porsche, tout comme les heures d'intervention (et contrairement au prix d'achat). Bref il faut savoir à quoi on s'engage avec cette voiture. Mais bien entretenue, elle le rendra au mille à son propriétaire, avec un plaisir incomparable à son volant.
En conclusion, la 928 est une GT absolument fantastique, dont la ligne ne se démode pas, alors que cela fait déjà quatorze ans que Porsche ne la produit plus. Toutes les qualités que j'ai énoncées en font une voiture très attachante (et quand on y a goûté, sur quelques kilomètres, un peu comme moi, ça ne fait aucun doute), et pétrie de qualité, à la fois en performances, en confort et en tenue de route, et très sincèrement, elle gagne beaucoup à être connue.
Cela te va Fred ?!
