Je remonte cet sujet car j'ai déniché quelques volumes de LDVELH chez un bouquiniste.
Mais avant tout, je souhaitais dire un grand bravo à Hugues pour la rédaction de cet article inspiré et à Tipoune pour son travail accompli avec les enfants.
As-tu parlé de ta méthode avec des pédopsychiatres? En psychologie on utilise fréquemment "les jeux de rôle thérapeutiques" à bien distinguer des "jeux de rôle ludiques" dont il est ici question, et qui n'ont que peu de rapport entre eux. Mais je pense sincèrement que ces livres-jeux gagneraient à être moins ignorés des milieux médicaux et socio-éducatifs. Qui sait, peut-être qu'un jour la "méthode Tipoune" passera à la postérité ?
J'ai découvert ces livres un jour de novembre 1986. Au fond de la salle de classe, il y avait une table remplie de livres que l'on pouvait consulter à loisir, dons probables de parents d'élèves. Le titre d'un de ces livres avait immédiatement attiré mon attention. Il s'agissait du fameux
Manoir de l'Enfer. J'avais tout de suite compris le principe de ce livre-jeu, car un an plus tôt, Le Journal de Mickey avait publié une sorte de mini-jeu de rôle avec dés et objets à découper soi-même, et inspiré du dessin animé
Taram et le Chaudron Magique dont l'univers d'heroic-fantasy se prêtait bien au genre. Pif aussi avait plus tard surfé sur la vague du succès de ces livres en se prêtant à l'exercice. Fin de la parenthèse.
J'avais été hypnotisé par les illustrations lugubres de ce bouquin. Une image m'avait particulièrement marqué. Un peu comme celle de la momie de Rascar Capac dans Tintin. Le genre d'image à ne pas regarder de nuit. A tel point que jusqu'à aujourd'hui, elle est restée imprimée telle quelle dans ma mémoire, et pourtant je ne l'ai vue qu'une fois de ma vie il y a bientôt trente ans. C'est celle du pendu, que voici.
Je garde encore quelques souvenirs du passage du texte qui décrivait cette scène. A travers la fenêtre, un éclair zébrait le ciel et laissait entrevoir ce corps de vieillard décharné oscillant au gré du vent. Si je me rappelle bien, cette vision à elle seule faisait perdre quelques points de vie.
Et pourtant, cette image n'était pas la pire. Dans le genre horrifiant, celle du zombie n'était pas mal non plus.
Mais allez savoir pourquoi, c'est l'image du pendu qui m'impressionnait le plus. Le soir même, j'attendais dans l'entrée de notre maison le retour de mon père. J'avais laissé la lumière éteinte et j'avais écarté le rideau pour jeter un coup d'oeil à la rue déserte. Elle était éclairée par un antique réverbère du type "Jack L'Eventreur" qui avait probablement commencé sa carrière en tant que bec de gaz avant d'être électrifié. Et soudain, l'image du pendu s'est rappelée à mon bon souvenir. En moins de deux, j'ai couru jusqu'à l'interrupteur électrique.
Je n'ai pas possédé tellement de LDVELH dans ma jeunesse. Les quelques titres qui garnissaient les rayons de ma bibliothèque étaient loin d'être les plus mémorables:
L'Usurpateur d'Irsmun (mon tout premier, c'était alors la grande mode des ninjas,
L'Horreur dans la Vallée,
Les Gouffres de la Cruauté,
Le Justicier de l'Univers (une aventure cosmico-parodique) et
]Pour l'Indépendance ! (une série historique se déroulant pendant la guerre d'indépendance américaine)
Mon cousin était en revanche un inconditionnel de la série et possédait plusieurs titres. Je me souviens de
La Citadelle du Chaos et de l'illustration de couverture dont le monstre au premier plan me rappelait Grizzlor des Maîtres de l'Univers. Il avait aussi
Frankenstein la Maudit avec Boris Karloff en couverture. On avait le choix entre incarner le docteur Frankenstein ou sa créature. J'avais choisi le monstre et je m'étais fait refroidir par mon créateur
. Ou encore
Le Château de Dracula illustré du portrait de Christopher Lee en vampire à qui je trouvais un grand air de ressemblance avec mon oncle.
J'ai passé de bons moments avec ces bouquins. Les illustrations étaient dantesques; le style littéraire, un peu moins
. Mais ce n'était pas ça qui comptait du haut de mes 9 ans. Je voulais bien croire alors que le fameux Ian Livingstone, dont le nom si victorien orne le haut de couverture, était un grand auteur julesvernien, lovecraftien, fumant la pipe et dont les joues étaient encadrées de favoris, et vivant reclus dans un manoir au milieu de la lande écossaise ou dans un bungalow à l'orée de la jungle du Bengale, où il transcrivait fiévreusement sur papier ses pires visions cauchemardesques jusqu'aux premières lueurs du jour...