Années : 1973 à 1978
Une fois encore, on s’écarte un peu des années 80. Mais on est dans un contexte déjà vu : parler d’un film ou autre évènement antérieur aux eighties, mais qu’on a vu et apprécié dans cette période. Alors une fois encore, je vous demande d’être indulgents… et de profiter de la lecture ! 🙂
Les origines
La liste de ses récits est impressionnante (vous la trouverez ici) : 46 romans, 36 récits militaires. Hélas, très peu de ses livres sont traduits en français ; on peut quand même citer : Il existe un autre roman que Martin Caidin a écrit en 1972 : Cyborg, qui est paru en France en 1975. Dans ce roman de science-fiction, Martin Caidin raconte comment Steve Austin, ancien astronaute devenu pilote d’essai, s’écrase après la perte de contrôle de son appareil. Gravement blessé (jambes en miettes, bras gauche sectionné, multiples fractures en d’innombrables endroits, œil gauche inutilisable, et je m’arrête là parce qu’il y a encore bien des dégâts), il devient – au départ à son corps défendant – le cobaye d’une nouvelle technologie : la bionique. Grâce à son ami le docteur Rudy Wells, cette science permet à Steve de retrouver des organes impossibles à différencier des vrais mais bien plus puissants : deux jambes, un bras, et un faux œil dont la moindre des fonctions est d’adapter ses mouvements sur le vrai. Le livre raconte son premier refus des prothèses, puis son combat d’abord pour les maîtriser, et ensuite pour se retrouver en tant qu’homme, ce qui lui permet d’accepter sa condition de cyborg et les fantastiques capacités qui vont avec. Martin Caidin a un style assez surprenant. Malgré des pages de détails techniques concernant l’anatomie humaine, les technologies bioniques, et les connexions entre les deux, l’auteur arrive à rendre la lecture passionnante. Dans la plus grande partie du livre, on se plonge dans les explications que le docteur Wells fait à Steve de ce qui lui est arrivé pendant l’accident, puis de ce qu’on lui fait pour le “réparer”. On comprend les réactions de Steve qui au début se retrouve devant le fait accompli (on a pris la décision de l’utiliser dans le projet “Cyborg” pendant qu’il était inconscient), et qui change progressivement d’attitude devant les miracles réalisés. Quant au reste du livre, il s’agit de ses premières missions pour le Bureau des Opérations Spéciales dirigé par Oscar Goldman. Je terminerai cette partie en vous indiquant que Cyborg sera suivi de trois autres livres narrant les exploits de Steve Austin : Operation Nuke (1973), High Crystal (1974) et Cyborg IV (1975). Ces livres sont hélas inédits en France.
L’épisode-pilote et la série télé À sa sortie, le roman Cyborg est un best-seller. Ce qui intéresse les producteurs télé, bien évidemment : ils décident d’une adaptation télévisée. Ce sont Harve Bennett (Star Trek, l’Homme Invisible) et Kenneth Johnson (qui sera à l’origine de Super Jaimie et plus tard de V) qui s’en chargent, pour le compte de la chaîne américaine ABC. Il y aura d’autres producteurs par la suite, dont Fred Freiberger (à qui l’on doit le désastre de la 2ème saison de Cosmos 1999). Il est décidé que la série s’appellera The six million dollar man et sera traduite chez nous en L’homme qui valait trois milliards. Pourquoi autant ? Tout simplement parce qu’à l’époque, 6 millions de dollars valaient approximativement 30 millions de francs, soit trois milliards d’anciens francs… Anciens francs ? Hé oui, le “nouveau franc” datait de 1960 et valait 100 “anciens francs” ; ceux qui étaient nés avant cette refonte monétaire avaient l’habitude de ramener les grosses sommes en “anciens francs” pour mieux se rendre compte du montant. Pour la petite histoire, si la série était produite aujourd’hui, Steve Austin ne coûterait “que” 5 millions (d’euros), comme quoi tout change. 😉 L’épisode-pilote de 90 minutes, diffusé en mars 1973, est une adaptation assez moyenne du roman. Comme dans le livre, on y raconte l’accident de Steve Austin (joué par Lee Majors) et sa “reconstruction” pour en faire un agent au service du gouvernement. Mais de nombreux changements sont faits : pour la première partie de l’histoire, on garde l’essentiel, mais c’est relativement mou, et si on montre bien le repli sur lui-même de Steve au début, ça manque de profondeur ; quant à la deuxième partie, c’est une mission qui n’a rien à voir avec celles du livre, même si elle commence à mettre les possibilités de Steve en valeur. De plus, Oscar Goldman est remplacé par Oliver Spencer (incarné par Garren McGavin) qui n’hésite pas à mettre sciemment Steve en danger, chose totalement contraire aux objectifs d’Oscar Goldman dans le roman. Cet épisode pilote a néanmoins du succès, et deux autres épisodes de même longueur sont commandés en octobre et novembre 1973 : Wine, Women and War, et The Solid Gold Kidnapping. Pour info, l’épisode-pilote sera par la suite coupé en deux parties, et réédité en DVD sous cette forme avec les épisodes de la série sous le nom de The Moon and the Desert ; il en sera de même pour The Solid Gold Kidnapping. Ces deux épisodes n’ont jamais été distribués en France et sont donc uniquement disponibles en VO sous-titrée. L’épisode-pilote fourni pour la France sera finalement Wine, Women and War, traduit chez nous par Vin, vacances et Vahinés. La particularité de Steve Austin est donc d’être en partie bionique, ce qui lui permet de sauter très haut ou de courir très vite grâce à ses deux jambes, d’avoir le bras gauche très résistant et capable de soulever des charges énormes, et de voir très loin grâce au zoom de son œil gauche. J’espère seulement qu’ils lui ont renforcé la colonne vertébrale sans nous le dire, sinon vous imaginez quand il veut soulever un poids énorme ? Le bras et les jambes tiennent le coup sous la charge, mais le tronc ? Enfin, trêve de considérations personnelles… Pour tous ces effets, il faut évidemment que les scénaristes trouvent des situations qui permettent de les mettre à profit. Mais surtout, il faut que ce soit impressionnant et reconnaissable. Et c’est ainsi qu’est trouvée l’idée du ralenti, et des fameux bruitages électroniques, pour souligner ces moments-clés des épisodes. Une idée qui est parfois inversée, plus fréquemment dans Super Jaimie : l’action est accélérée quand, par exemple, elle doit écrire son cours au tableau à toute vitesse en cachette de ses élèves. Curieusement, le spectateur accepte ces deux méthodes en fonction de la situation et elles deviennent la marque de fabrique des deux séries. Aux USA, la série dure de janvier 1974 à mars 1978, soit 99 épisodes de 50 minutes répartis sur 5 saisons.
Le générique français, inoubliable, est un thème instrumental créé par Oliver Nelson. À l’origine, ç’aurait dû être une chanson, créée par Glen A. Larson et chantée par Dusty Springfield : on peut l’entendre en génériques de début et de fin des épisodes Vin, vacances et Vahinés et The Solid Gold Kidnapping. Les producteurs lui ont préféré la version instrumentale, et je suis bien d’accord avec eux. Quant aux musiques qu’on entend pendant les épisodes, elles sont également d’Oliver Nelson mais aussi de Gil Melle. La série aura tellement de succès que les produits dérivés seront innombrables, surtout les poupées Kenner, distribuées en France par Meccano, de Steve Austin, Oscar Goldman, Jaimie Sommers d’une part, et de Bigfoot et Maskatron d’autre part. J’ai un copain qui avait le Steve Austin : on plaçait son oeil derrière la tête de la poupée, et on voyait comme à travers un appareil photo… C’est vrai que ça ressemblait à la vision bionique de Steve… pour un gamin pas exigeant !
Les personnages
Voilà, c’est ça un héros !
Oscar Goldman Oscar et Steve sont amis, en plus de leur relation patron/employé. Oscar se retrouve parfois en fâcheuse posture, par exemple kidnappé par un savant qui veut se venger, et qui le remplace par un androïde (son sosie parfait) pour accéder à des secrets d’état). Heureusement il peut toujours compter sur Steve pour le sauver.
Après ces deux séries-phares, on le verra faire une apparition dans quelques séries comme La croisière s’amuse, Drôles de dames, L’homme qui tombe à pic ou encore K2000. Hélas, Richard Anderson nous a quittés il y a moins d’un mois, le 31 août 2017 à 91 ans.
Rudy Wells On en sait plus sur Rudy Wells dans le livre que dans la série. C’est un médecin exceptionnel, qui a presque un 6ème sens pour détecter les maladies de ses patients. Après une brève période en tant que médecin civil, il retourne exercer dans l’armée : c’est là qu’il devient le médecin personnel de Steve, lors du programme spatial, puis pour toutes les sorties en tant que pilote d’essai. Il considère Steve Austin comme son ami (ce qui est réciproque), voire comme son fils. C’est lui qui s’occupe de Steve pour le projet “Cyborg”, même si au départ il ne fait justement pas partie du projet ; au final il en sera le cœur, car sans lui Steve n’aurait pas survécu. Dans la série, il est toujours là, s’occupant des membres bioniques de Steve quand il faut les améliorer ou les réparer (hé oui, la bionique c’est résistant mais ça peut quand même casser). Il lui arrivera quelques aventures, comme lorsqu’un second homme bionique, créé au cas où Steve trouverait la mort dans une de ses missions, essaie de le tuer. Bref, s’il n’est pas toujours là, Rudy Wells est quand même un personnage essentiel. Rudy Wells est joué par trois acteurs successifs : Martin Balsam (1919-1996) dans l’épisode-pilote ; puis Alan Oppenheimer (1930-) entre 1974 et 1975 ; et enfin Martin E. Brooks (1925-2015) de 1975 jusqu’à la fin. Je n’ai pas vraiment de préférence entre les deux derniers, mais dans l’épisode-pilote, on a droit un un nombre incalculable de plans sur le visage immobile et inexpressif de Martin Balsam et ça devient vite horripilant. Regardez la première photo ci-dessus pendant 10 secondes, et faites ça au moins 20 fois, et vous aurez une idée de ce que je veux dire. Martin Balsam a joué entre autres dans Psychose, Le crime de l’Orient Express, ou Les hommes du président. On a vu notamment Alan Oppenheimer dans Little Big Man, Dans la chaleur de la nuit, Mondwest, et depuis les années 1970 il fait plutôt du doublage. Quant à Martin E. Brooks, il a repris le rôle de Rudy Wells dans les 3 téléfilms dont je parlais plus tôt, et on l’a vu dans Gunsmoke ou Mission Impossible.
Jaimie Sommers
— Argh ! —- Rassurez-vous, c’est ce que tout le monde croit ! En fait, elle est cryogénisée le temps de trouver le caillot de sang responsable de sa mort. On relance son cœur et miracle ! elle revit, mais ce qu’elle vient de subir a causé des lésions cérébrales qui ont provoqué une “amnésie rétrograde”, autrement dit : elle ne se souvient plus des évènements récents (notamment son amour pour Steve). À partir de cet instant, elle devient institutrice sur la base aérienne de Ventura, et travaille occasionnellement pour Oscar et l’OSI. En fait, Oscar développe une attitude paternaliste envers elle, ce qui fait qu’il répugne à l’envoyer en mission de peur qu’il ne lui arrive quelque chose. Quant à Steve, il est d’abord effondré et ignorant de la “résurrection” de Jaimie ; quand il apprend tout ce qui s’est passé, il accepte à contrecœur de la laisser vivre sa vie, mais travaille avec elle lors de certaines missions, afin de développer une nouvelle amitié – voire plus – entre eux. Dernier point : Jaimie a recueilli Maximillion, un berger allemand aux jambes et à la mâchoire bioniques (en fait, un cobaye pour expérimenter les membres bioniques avant de les tester sur Steve ; il est appelé ainsi parce qu’il a coûté 1 million de dollars !) Ce chien – que tout le monde appelle Max – l’accompagne dans certaines de ses aventures. L’idée du personnage de Jaimie est venue aux scénaristes alors que l’audience de L’homme qui valait trois milliards déclinait. À l’origine, elle ne devait apparaître que dans un double épisode et mourir, mais à la suite de l’avalanche de courrier des fans, la production n’a pas le choix et doit la ressusciter, ce qui n’était pas prévu ! La cryogénisation est l’explication “officielle” pour lui permettre de survivre. Et pour qu’elle ne se marie pas avec Steve Austin et puisse avoir des missions bien à elle, on la rend amnésique. C’est ainsi que sa propre série, The Bionic Woman (Super Jaimie en français), est créée. Jaimie dispose des mêmes capacités bioniques que Steve, mis à part son ouïe améliorée à la place de la vue. Cependant, étant un peu plus récente, elle court un tout petit peu plus vite. En contrepartie, il me semble qu’elle prend un malin plaisir à sauter de trop haut, ce qui fait qu’elle se casse les jambes et qu’on la répare un peu plus souvent que lui ! La série dure de 1976 à 1978, soit 58 épisodes répartis en 3 saisons. Le générique de début est composé par Jerry Fielding (mais est plus tard remplacé par celui de fin de Joe Harnel). Curieusement, elle est arrêtée en même temps que L’homme qui valait 3 milliards, alors qu’ils ne sont pas sur la même chaîne et n’ont pas les mêmes audiences. On the Run (Adieu la liberté), le dernier épisode de Super Jaimie, est censé être un épisode concluant les deux séries.
Lindsay Wagner (1949-) était à l’origine mannequin. Elle se fait remarquer notamment grâce à plusieurs rôles dans la série Docteur Marcus Welby avant qu’on lui donne le rôle de Jaimie Sommers. On la voit ensuite dans de nombreux téléfilms (sans compter les trois cités précédemment), quelques séries (L’homme qui tombe à pic, Warehouse, NCIS) et quelques films (Les faucons de la nuit, avec Sylvester Stallone et Billy Dee Williams). Et le chien ? Ben, au départ, il était question qu’il ait lui aussi sa propre série, et qu’il soit en permanence affecté à un garde-forestier ami de Jaimie : ç’aurait été The Bionic Dog, mais je ne vous le traduis pas parce que 1/ c’est facile à deviner et 2/ ça n’a jamais été fait, on a préféré le laisser avec Jaimie et le faire apparaître plusieurs fois. Le nom du vrai chien qui jouait Max est Bracken.
Conclusion Voilà une série (enfin, deux) qui ont marqué tous les enfants, et les plus grands, quand elles ont été diffusées en France. Comme pour Star Trek, il a fallu attendre l’arrivée de La Cinq pour enfin les apprécier en totalité, vu que les chaînes antérieures étaient frileuses et ne diffusaient pas l’ensemble des épisodes. Encore aujourd’hui, c’est tout à fait regardable, si on accepte quelques concessions. Et puis le thème du super-héros a toujours été porteur, surtout actuellement avec la vague de films Marvel et DC ; et après tout, qu’est-ce que la bionique, sinon le super-héros fabriqué par l’homme ? Personnellement, j’ai acheté les coffrets des 5 saisons de L’homme qui valait 3 milliards, et j’ai passé un très agréable moment (seuls quelques épisodes, visionnés à notre époque, provoquent un sourire indulgent et la pensée “N’importe quoi !”). Je pense qu’un jour, pour le plaisir d’avoir la totale, je prendrai également les 3 coffrets de Super Jaimie, tant que les coffrets en question sont de bonne qualité et pas une simple cloche à DVD comme proposé en ce moment. Les deux personnages restent aussi sympathiques de nos jours qu’il y a quarante ans, même dans les téléfilms tournés par la suite, et je vous conseille particulièrement Mariage bionique où Steve découvre qu’il a eu un fils avec Jaimie des années plus tôt…
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