Après avoir découvert la Hollande, ses tulipes, son Gouda et ses Videopacs de Philips, retraversons l’Atlantique et regagnons les USA. Oui, à la nage, c’est bon pour votre condition physique, vous me remercierez plus tard.
Rejoignons une société que tout le monde connait, les garçons adeptes du retrogaming comme les filles qui jouent à la poupée … Et pour cause, puisqu’il s’agit de Mattel, LA référence des jouets, de Barbie à Musclor, de Big Jim à Starcom.
Aujourd’hui, on ne parlera pas de tous ces joujoux de “grande consommation”. Si tu as suivi les précédents épisodes, cher lecteur , tu n’es pas ici par hasard, tu sais donc que l’on va parler de la Mattel Intellivison. Une console imaginée à la fin des années 70 par le géant du jouet. Prend place, reprend un peu de Tang, et écoute Tonton Tommy qui va te raconter l’histoire de l'”Intelligente Television”.
Tout d’abord, un p’tit tour de DeLorean. Au début des années 70, le Pong fait des ravages, mais ce n’est pas encore assez pour faire basculer l’industrie du jeu vidéo dans une nouvelle ère. Il faut des machines plus couillues, nom de nom, avec des vrais jeux, de la concurrence, des pubs qui en jettent, du rêve, quoi !!
En 1977, le sprint est (enfin) lancé. Atari, Fairchild, puis Philips se lancent dans la course. Mattel, dans un premier temps, se la joue “round d’observation”, et examine le lancement de ces nouvelles bébettes à pupuces. En attendant, pour tester le marché et pour préparer les fers à souder, la firme US lance un grand nombre de jeux électroniques qui éveilleront certainement des souvenirs : Autorace, Missile Attack, … pour ne citer que les plus réputés.
En 1980, Mattel ne tient plus en place et se lance dans la bataille des consoles, avec du matos propre à enthousiasmer les foules de gamers qui n’attendaient que ça !
La conception de l’Intellivision fut lancée en 1978. Aucun doute : Mattel a attendu qu’Atari sorte sa VCS, puis l’a désossée et examinée sous toutes les coutures, pour y dénicher les points forts et les points faibles. Et en un temps record (moins de deux ans), a mis au point ce qu’il appellera la « Télévision Intelligente ».
Bien en a pris au célèbre fabricant, puisque cette machine est une vraie réussite ! Techniquement tout d’abord, puisque le microprocesseur 16 bits remplit parfaitement son rôle : les premiers jeux lancés avec la machine sont de belle facture, leur jouabilité est excellente, au moins aussi bonne que sur Atari. L’accent est mis sur les graphismes, qui sont vraiment soignés pour l’époque.
Le seul gros reproche qu’on pourrait faire à cet engin, c’est sa manette, qu’on ne peut pas appeler “Joystick”, car elle ne possède aucun bâton directionnel. Pour se déplacer, on doit presser un disque métallique dans le sens désiré, qui ne s’avère guère pratique à l’usage. Quant aux boutons de tir, ils sont placés de manière assez déroutante, sur le côté du « combiné ». Et ce pavé numérique, à koi k’ça sert ? Non, ce n’est pas pour appeler Tata Monique, ça permet tout simplement de sélectionner le niveau de difficulté, et d’effectuer quelques actions précises selon les jeux.
Car là se nichera une véritable innovation : les habillages de manettes, communément appelés “overlays” (à tort, mais si je commence à rentrer dans les détails puristes, je vais en paumer quelques-unes en route 😉 ). Ce sont de petits carrés de plastique à glisser à l’intérieur des manettes. Ils permettent en un coup d’œil de repérer les actions associés à chaque touche : sélectionner un tir spécial, une arme particulière, une posture du personnage … Le pavé numérique permet ainsi aux programmeurs de multiplier les options de jeu, et donc de proposer des parties plus variées et plus stratégiques. Sympathoche, nan ?
Autre audace de l’Intellivision, cette fois-ci plus marketing : la comparaison ! Mattel va en effet attaquer Atari à coups de pubs assez cinglantes, comparant les performances de l’Intellivision avec celles de l’Atari VCS / 2600. Vous comprendrez que ces publicités comparatives n’aient pas été diffusées en France à l’époque. Cela dit, je ne résiste pas à l’envie de partager avec vous, amis bilingues, ces quelques moments de guérilla pixellisée, même s’ils sont en version originale.
Mattel fait mouche, et montre aux kids que clairement, y a pas photo. Animation, graphismes, intérêt des jeux … impossible de ne pas reconnaître la supériorité de Mattel. Et pourtant, ça nous fait doucement rire aujourd’hui, avec nos 40 ans de recul. Car peu nombreux étaient les jeux où la version Mattel était vraiment supérieure … De nos jours, rien ne ressemble plus à un jeu Intellivision qu’un jeu Atari. Surtout depuis que la CBS Colecovision a mis tout le monde d’accord.
Et pourtant … Mattel a joué de sa position de challenger pour attaquer Atari là où il fallait. Possédant également un petit matelas de financements et de réseau, les licences et autres adaptations à succès ne tardent pas à être commercialisées : Burger Time, les Schtroumpfs, Pac Man, Donjons et Dragons, Donkey Kong, Frogger et … Les Maitres de l’Univers … (tiens, tiens, une licence Mattel sur une console Mattel ).
Parmi les vraies réussites, notons tout d’abord mon préféré : Astrosmash, un croisement entre Space Invaders et Asteroids, où le but est de dégommer des météorites qui tombent sur terre avant qu’ils ne s’écrasent au sol. Très simple, mais trèèèès prenant (pour ma part, ce sont des heures passées devant l’écran, y a pas si longtemps que ça !)
Mentionnons également Burger Time, un jeu de plateformes devenu classique, très réussi, ou Pac Man, qui pour le coup, nous fait oublier la honte de la version Atari.

On obtient ainsi un catalogue de jeux de qualité globale certes variable, mais au final très divertissants.
L’Intellivision deviendra un concurrent sérieux d’Atari, mais en dépit de ses performances, sera loin d’égaler les ventes de cette dernière, qui conservera plus de 70 % du marché des consoles. Certainement la faute à un prix de vente trop élevé : 300 $, soit 20% plus cher que l’Atari 2600.
D’autant plus qu’en 1982, gros coup dur pour Mattel avec l’arrivée de la CBS Colecovision, aux prouesses sensationnelles pour l’époque, et pour un prix vraiment raisonnable qui plus est. La guerre des consoles franchit une nouvelle étape, mais globalement, tout ça reste bien monotone : les mêmes jeux sont adaptés d’une machine à une autre, sans beaucoup d’originalité. Des évolutions, oui, mais des révolutions, non.
Jusqu’à cette fameuse année 1983 où, lassés de voir ce marché stagner, et les jeux se succéder sans se renouveler, les joueurs délaisseront les consoles pour les ordinateurs. Mattel, contrairement à Atari, n’est pas restée sans rien faire face à la mutation de ce marché.
Dès 1981, la société proposa ainsi un clavier pour transformer sa console en véritable ordinateur, et permit même aux joueurs de jouer en ligne à distance, grâce à un modem (et à un abonnement hors de prix ). Une belle performance technique, mais qui ne se traduira pas en chiffres de vente. Car la combinaison console + clavier + autres extensions éventuelles coûtait largement plus cher qu’un véritable ordi, et se montra donc d’un intérêt quasi-nul.
L’heure fût donc venue pour Mattel de sortir une nouvelle version de sa console, tout simplement intitulée « Intellivision II ».
Mattel annonce du lourd, et ambitionne alors d’apporter un coup décisif à la concurrence. Mais malgré son nouveau look blanc et pourpre, et ses belles promesses (un prix de vente diminué, une compatibilité assurée avec les jeux Atari 2600), cette nouvelle version n’est qu’un lifting pas cher de sa version initiale.
En 1984, la division Electronics de Mattel fait faillite. Il se murmure même que la maison mère a failli y laisser une belle poignée de plumes …. Permettez-moi d’en douter. Ça m’étonnerait que Mattel ait misé ses billes au point de risquer de flinguer ses autres poules aux œufs d’or … Mais bon, c’est un autre débat. Plus de télévision intelligente, plus de Mattel Electronics, le Krach est passé par là.
Mais dès 1985, l’Intellivision renait de ses cendres encore fumantes, une obscure compagnie, l’ « Intellivision Inc » rachetant les vieux stocks de Mattel et les commercialisant sous le nom INTV System 3. Sans aucune innovation, juste comme ça, pour liquider les surplus. Et aussi étonnant que cela puisse paraître, cette nouvelle nouvelle console s’est pas mal vendue. Rien à voir avec les chiffres de vente de Nintendo par exemple, mais quand même, quelques millions de consoles ont trouvé preneur dans cette vague de revente. Quelques éditeurs ont même pu créer de nouveau jeux, et ce jusqu’en 1990.
Et oui, si on devait retenir un Happy End à ce naufrage commercial, c’est que la console a survécu aux années 80 … pas longtemps, puisque courant 1990, elle fut définitivement hors-jeu. Mais elle a pu doucement s’endormir en laissant la place à des machines plus jeunes et plus fougueuses, et bénéficier du statut envié de console culte et pionnière, sans laquelle la face du monde (des consoles) aurait été différente.
Pour preuve, un bel hommage lui fut rendu en 2002 par la publication du CD-Rom « Intellivision Lives », qui proposa aux possesseurs de Playstation 2, Nintendo GameCube, DS et X-Box de rejouer à une soixantaine de jeux qui ont fait l’histoire de cette console, dans les conditions de l’époque.
Mais pour rendre un réel hommage à cette console un peu méconnue, coincée entre le Blockbuster Atari VCS et la rolls des consoles « Colecovision », le mieux est d’en acquérir une, et de lui redonner vie sur un vieux téléviseur. On peut aisément en trouver à des prix très abordables sur des sites d’enchères, ou avec un peu de chance dans une brocante ou un vide-grenier. Vous voyez ci-dessous ma modeste collection Intellivision, accompagnée de quelques jeux, qui me permettent de m’amuser comme si cette console avait été mienne il y a 30 ans, avec Astrosmash ou Burger Time. Bien sûr, il faut faire le tri entre les vrais bons jeux et les bouses créées à la va-vite. Mais une fois cette distinction effectuée, croyez-moi, à chaque fois que je la branche, je passe d’excellents moments !!
Et comme nous l’avons fait pour les autres consoles, pour ceux qui veulent en savoir plus, direction nos amis de chez Grospixels !
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