Eh ben c’est pas trop tôt ! Depuis le temps qu’on évoque votre passé en long et en large, jamais nous n’avions pris la peine de parler des fameux Raider, la barre chocolatée que les djeuns connaissent maintenant sous le nom de Twix.
Il faut dire que Raider, c’est le marronnier par excellence des années 80. Le sujet qui sera inévitablement placé dans la conversation quand viendra l’heure de se remémorer comment qu’c’était mieux dans les zannées 80. “Et tu te rappelles des Raider ; – Ah oui, les anciens Twix, c’était mieux, hein … ; – Ouais, et c’était meilleur surtout, c’est comme les Treets ; – Ah ouais les Tritsses, et le Tang aussi …”
Et bien parlons-en, de ces fameux Raider ! Tout d’abord, apprenez à le prononcer : il faut dire “rédaire”, à la française, tout accent vaguement anglo-saxon est proscrit. Ensuite, rétablissons quelques petites vérités.
La première étant que Raider n’est pas le vrai nom de Twix. N’en déplaise aux nostalgiques, c’est tout l’inverse. Twix existait avant Raider. Raider ne fut qu’un nom d’emprunt temporaire pour certains pays européens. Et au début des 90’s, lorsqu’il a fallu tout mondialiser, jusqu’aux barres chocolatées, Raider a repris son appellation originelle. Je m’explique:
Twix est une barre chocolatée conçue en 1967 par l’industriel britannique Mars Inc., et uniquement vendue au Royaume Uni les premières années. Elle possède un format original, à savoir deux minces biscuits sablés croustillants, recouverts de caramel et de chocolat, et glissés dans un sachet doré. Pratique, cela permet aux petits appétits de manger une barre à la pause de 10 heures, et de se garder l’autre pour l’après midi. Ou alors de partager avec un ami.
A la fin des années 70, la Mars Company décide de proposer les Twix au monde entier, mais décrète que les européens sont trop crétins pour percevoir le subtil jeu de mot composant son nom. Eh oui, TWIX résulte de la contraction de “twin sticks” (pononcez stix), littéralement “Bâtonnets jumeaux”. Il faut donc trouver un nom commun pour toute l’Europe occidentale non anglophone, qui va de la Scandinavie à la péninsule ibérique, en passant par la France bien entendu.
Il est difficile de savoir qui eut l’idée du nom “Raider”, mais cette dénomination apparaît comme un nom sympathique, un anglicisme agréable à entendre, parlant à la cible principale : les ados chébrans. ça envoie du rêve américain, l’équipe de foot US californienne des Raiders cartonnant outre-Altantique à la fin des 70’s. Le bémol étant que “raider” se traduit comme “pillard” ou “voleur” et peut avoir une connotation négative, mais peu importe, comme on vous l’a dit plus haut, les jeunes européens sont trop idiots pour traduire correctement un emballage de chocolat 😉
En 1978, Raider envahit ainsi la France !! A grand renfort de publicité, cette nouvelle douceur cible toute la famille, mais en particulier les jeunes, collégiens, lycéens ou étudiants. Les distributeurs automatiques arrivent dans les écoles et les lieux publics, et vu le succès remporté par les barres chocolatées, la part de marché à gratter est énorme.
La première pub presse (1978) est un petit exemple d’humour bien typique de l’époque, et relaye la publicité télé. Le tout est un peu mollasson, à des lieues de l’image dynamique que Raider nous a donné par la suite. Mais au moins, elle annonçait la promesse : Raider, c’est moelleux ET croquant à la fois, contrairement aux autres barres qui sont moelleuses OU croquantes.
Raider erre quelques années en quête d’une réelle identité, essayant quelques slogans plus ou moins bien vus. C’est en 1983 que les ventes décollent vraiment, avec l’arrivée du nouveau positionnement jeune et dynamique de la marque. Au côté gourmand, moelleux et croquant, s’ajoute l’utile, c’est à dire le coupe faim idéal pour tenir jusqu’à midi. La signature “2 doigts coupe faim” arrive, et le signe de ralliement est créé, avec les célèbres doigts qui claquent. Le tout dans une pub TV mémorable, qui colle superbement à son époque fun et colorée.
Mais de toutes les pubs, c’est celle du milieu de 1986 qui m’a le plus marqué. Raider devient plus qu’une barre chocolatée : un mode de vie, un concentré d’années 80, où tout le monde devient adepte du signe Raider, jusqu’aux hommes d’affaires japonais, le gorille du zoo et même les aiguilles de l’horloge !
Raider devient dans mon souvenir la barre chocolatée la plus populaire auprès de la jeunesse. Je ne sais pas si les ventes ont explosé au point de détrôner Mars, Milky Way, Lion ou Nuts, mais je me souviens très bien de l’omniprésence de la marque dans nos goûters. Raider entreprend d’ailleurs un virage réussi à la fin des années 80, et mise sur une valeur sûre de la jeunesse : la musique.
Tout d’abord en s’offrant les services d’une icône qui fait référence dans le domaine musical : Philippe Manoeuvre, encore tout jeune, sans ses lunettes noires et son perfecto. Presse (Metal Hurlant), télé (Les Enfants du Rock), Radio (sur France Inter), il est en pleine réussite, et parfaitement crédible dans ce rôle. D’autant plus qu’il ne se prend pas au sérieux, et que la campagne de pub (3 spots, si je sais me servir du moteur de recherche de l’Ina) est drôle et réussie.
Raider se veut plus qu’une barre chocolatée, et n’hésite pas à se revendiquer comme un vecteur de la jeunesse. En 1989, la marque poursuit son offensive dans la musique en éditant deux compilations intitulées “T’as l’air Raider”. Une “Dance”, avec les tubes du moment qui bougent, et une “Cool”, avec des ballades plus relax. Et c’est là qu’arrive le moment où vous allez me demander de ressortir mon anecdote préférée sur la marque.
“Oh oui, Tonton TomTom, vas-y, raconte nous !
– Naaaan, je l’ai déjà raconté plein de fois sur le forum, et à chaque fois on s’est foutu de moi …
– Oh si, allez, vas-y, on la connaît pas nous, ta necdote, on y va jamais sur ton forum !
– Bon, d’accord …”
Alors, puisque vous insistez, je vais vous confier que j’ai eu la chance de posséder une compilation “T’as l’air Raider”, et qu’elle ne m’est pas revenue bien chère. Pour gagner une des deux compilations, il fallait collecter les points Raider présents sur les emballages, et les envoyer à la marque. Et moi, bougre de petit filou éhonté n’ayant peur de rien, et surtout pas du ridicule, j’attendais la fin des récréations du collège pour faire les poubelles de la cour, et récupérer un max de paquets. En quelques jours, ma collection de points était terminée, je n’avais plus qu’à les envoyer à Monsieur Rédaire.
ça ne m’avait pas coûté grand chose, si ce n’est une réputation de clodo un peu louche, qui récupère des emballages vides dans les poubelles. On a la légende qu’on mérite …
En plus de recevoir la cassette de mon choix (en l’occurrence la “cool”, avec les Bangles, Terence Trent d’Arby, Don “Miami Vice” Johnson et Toto, j’ai eu le droit de faire partie du Club Raider, le club le plus inutile du monde, puisqu’il ne servait à rien, et ne donnait droit à rien, mais par contre, la carte du Club Raider, avec mon nom imprimé dessus, elle avait une sacrée gueule dans le portefeuille.
Raider avait fait les choses bien, je me souviens encore du chouette courrier que j’avais reçu, ils me disaient en substance qu’ils étaient ravis de m’accueillir dans leur club, et que ma cassette, je l’avais bien mérité … C’est sûr, je l’avais vachement méritée 😉
Voila pour l’anecdote, vous pouvez réveiller le voisin qui dort, j’ai fini de raconter ma vie.
Au début des années 90, Mars Inc. se rend compte que tout compte fait, c’est pas pratique d’avoir le même produit avec deux noms différents. ça pose de gros problèmes logistiques, ça oblige à tourner deux spots de pubs différents (l’un pour Raider, l’autre pour Twix), et surtout ça fait pas très corporate. Et si tout compte fait, les ados trouvaient un dico, et s’apercevait que Raider ça veut dire “Pilleur” et “Voleur” ? Allez hop ! On harmonise tout ça !
L’harmonisation intervient en 1991. Elle se fait petit à petit. Tout d’abord, début 91, je me souviens avoir repéré une petite phrase au bas de l’emballage et à la fin du spot TV qui indiquait que Raider était “mondialement appelé Twix”. Cool, ça me fait de belles jambes. Mais ensuite, la bascule s’effectue, irrémédiablement Raider devenant progressivement Twix en fonction des stocks des boulangers ou des grandes surfaces. Pourtant, la pub (particulièrement naze, une fois n’est pas coutume) prend ses précaution et nous dit bien que partout dans le monde, à présent, Raider, c’est Twix. Et que seul le nom change, pas le goût.
Et c’est là qu’il faut rétablir une autre vérité : Raider et Twix, effectivement, c’est pareil, le goût n’a pas changé. Les personnes qui vous diront que les Raider, c’était meilleur que les Twix ne sont que bonimenteurs se complaisant dans le cétémieuxavantisme, ou des nostalgiques dont l’émotion fait perdre tout souvenir gustatif.
Raider était ma friandise favorite, même si je piochais les emballages dans les poubelles, j’en ai mangé un paquet dans ma jeunesse. Alors croyez bien que je les attendais au tournant, avec leur changement de nom. Je m’étais dit : “Si jamais le goût n’est pas le même, ça va chier des bulles, je leur renvoie leur carte du club”. Et effectivement, je n’ai jamais constaté la moindre différence de goût, et ce depuis presque 25 ans.
En revanche, ce dont je ne disconviens pas, c’est que le contenu des sachets a changé. En effet, je suis quasiment certain que les barres de Twix actuelles sont bien plus petites que les anciens Raider. ça permet de diminuer le coût de revient, de baisser aussi l’apport énergétique, et d’afficher fièrement moins de calories sur l’emballage. Tout le monde est gagnant … sauf le consommateur, parce que bizarrement, les industriels ont “oublié” de diminuer le prix en conséquence.
Ainsi, doucement mais sûrement, Raider devient Twix. En France, le changement passe très bien, et pas grand monde ne se plaint. En fait, il a fallu attendre les années 2000 et la vague nostalgique des friandises disparues pour qu’une génération se souvienne que Raider, Treets, Picorette, ou Yes existaient naguère.
En Allemagne, en revanche, c’est une autre paire de manches, et on frôle l’accident industriel. Nos amis teutons ne supportent pas ce changement de nom, et de voir leur cher et tendre Raider sacrifié sur l’autel de cette satanée globalisation. Menaces de boycot, pétitions, les cousins Germains l’ont eu mauvaise, et il s’en est fallu de peu que Twix ne fasse long feu chez les Allemands.
C’est certainement pour cela que nous avons pu goûter au plaisir des Raider, une édition limitée étant dernièrement sortie de l’autre côté du Rhin, les Allemands étant visiblement encore plus nostalgiques que nous. Comme quoi, les héros chocolatés ne meurent jamais …
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