
C’est en effet un objet intemporel qui a toujours exercé un grand pouvoir d’attraction chez les adolescents casse-cou, tout en restant quand même moins répandu que le bicross. Le skate a gardé cette image d’activité fun et spectaculaire, alors que le bicross a largement dépassé le cadre des pistes de terre pour devenir un outil de déplacement.
A l’instar du BMX, le skateboard est né aux USA (ça, on commençait à en avoir l’habitude), dans les années 60. “Qui a pu avoir l’idée de construire ce truc instable, casse-gueule, responsable de tellement d’heures supp’ chez la petite souris ?”, me demanderez-vous.
Eh bien, comme pour le BMX, qui a été conçu pour permettre aux enfants de faire comme les grands en moto-cross, le skateboard est né d’une frustration. Dans les années 60, qu’est qui fait plus rêver la jeunesse américaine que la Californie, la plage, les Beach Boys ? Hein ? Oui, ok, c’est vrai, Hervé Vilard, mais lui, il est hors concours. Sinon, bah oui, le surf, pardi ! Ce sport typique de l’American Way of Life passionne et fascine, et les surfeurs, dans l’échelle de la mode et de la coolitude, tiennent le haut du pavé. Et ça tombe bien, sous ce pavé, il y a des plages, CQFD (merci de ne pas tenir compte des jeux de mots ridicules lors de l’évaluation de l’article).
Mais comment qu’on fait quand on habite Chicago, New York ou Detroit, et qu’on veut sa part de rêve, comme tous les ados californiens, floridiens et hawaïens ? Hein ? Et comment qu’on fait quand la moindre plage se trouve à 2500 kilomètres, et si on en a une, c’est une eau à 5 degrés qui nous accueille ? HEIN ?
Bah on s’adapte à ce qu’on a sous la main, et dans les années 60, ce qu’on a, c’est du bitume à perte de vue, il va falloir s’accrocher pour y faire glisser une planche de surf !
Mais un adolescent qui a envie de se la raconter ne recule devant rien, et rivalise d’imagination pour arriver à ses fins. Deux surfeurs californiens ont l’idée d’installer des roues de patins à roulette sur des planches de surf, pour pouvoir s’adonner à leur activité favorite même quand il n’y a pas d’eau ! Immédiatement, l’idée fait son chemin, et se retrouve reprise un peu partout ailleurs. Le “Roll’Surf” était né !
On s’aperçoit tout de même rapidement des contraintes d’une telle entreprise : il n’est absolument pas facile de manœuvrer cet engin de 3 mètres de long dans une rue étroite ou dans son jardin. Et je ne vous parle même pas de faire des figures ou des acrobaties. Ces premières planches à roulettes, passées l’effet de mode, tombent ainsi dans l’oubli pendant quelques années, jusqu’à ce qu’on décide de les adapter aux environnements urbains. Les planches vont alors se réduire pour devenir courtes et étroites. On va les équiper de matériel spécialement conçus pour résister aux chocs et au bitume, et les doter de roulettes adaptées, avec des roulements à bille, et des essieux offrant une grande souplesse.
Au final, le skateboard n’a plus grand-chose à voir avec la planche de surf, mais cette métamorphose était nécessaire pour réellement décoller au milieu des années 70. Le skateboard se développe, et s’impose partout aux USA, devenant par la même occasion un des symboles de la jeunesse à la mode.
Les skateparks fleurissent dans toutes les villes, et les combinaisons vestimentaires rivalisent de couleurs et de vinyle. De nombreux ados se doivent de posséder un skateboard dans leur chambre, et dès la fin des cours, s’exercer pendant des heures sur des rampes faites maison au son du rock californien (dont Hervé Vilard est un pur représentant, chacun le sait).
L’invasion de la “Planche à roulette” vers l’Europe ne tarde pas. Dès 1976, l’objet est importé, et deux ans plus tard, c’est l’engouement complet. Les chères têtes blondes se mettent au skate, aidées par la profusion de publicités, jeux-concours et sponsorings le mettant en avant. Un peu partout, du « Journal de Mickey » à « Lui », on parle de ce sport à la mode, et personne n’y échappe. Et quand je dis “Personne”, je vous assure que c’est “Personne” !
L’artiste la plus improbable dans ce rôle, la moins sportive que l’on puisse imaginer sur un skate se met à chanter les louanges de cet engin : Rika Zaraï !!! Toute heureuse d’avoir retrouvé sa chemise et son pantalon, elle invite la jeunesse à mettre ses baskets, et à se laisser glisser sur la planche à roulette !
Profitez-en, c’est du pur bonheur. Une pensée émue pour tous les skateurs et clubs de sports extrêmes qui ont du se terrer de honte dans leur piaule en découvrant que leur objet fétiche était également celui de Madame Tisane de foin aux pissenlits.
Par la même occasion, on retrouve le skate dans de nombreux reportages pour la jeunesse, ou séries TV, comme par exemple dans “La Main Rouge” en 1977, où Matthiew Laborteaux incarne le chef d’une sympathique bande d’enfants apprentis-détectives. Le skate a même eu son album d’images autocollantes, dans le style Panini. “Skate 79” est son nom. Ce fut l’objet de mes recherches les plus fouillées, de mes plus grandes convoitises archéologiques. Je suis bien heureux de l’avoir dernièrement retrouvé !!!
On peut encore trouver de temps en temps ces équipements sur les stands des brocantes pour 3 fois rien, vous auriez tort de vous priver de ces témoignages d’époque !
Tout cela pour vous dire que cette folie est telle que le skate rivalise avec les rollers et le BMX dans le cœur des ados adeptes de sports acrobatiques et de cheveux au vent. Il en devient quasiment un phénomène de société, une culture à lui tout-seul. Les débutants préfèreront les planches en bois ou PVC rigide, plus stables et plus solides, alors que les acrobates opteront pour la planche en fibre de carbone, très souple et légère, avec l’arrière remonté pour faciliter les figures.
Au milieu des années 80, pour redonner un second souffle à la pratique du skate, les designers et les professionnels font évoluer la machine : le skate devient plus large, un peu plus long, et adopte des visuels moins clichesques califonico-hawaïens. De grands dessinateurs font de certaines planches des œuvres d’art, et les marques jusqu’à présent spécialisées dans le surf et/ou le ski s’emparent du marché : Airwalk, Oxbow, Holy, Quicksilver, Santa Cruz, Gotcha, Sun Valley … ça vous rappelle des souvenirs de matériel et de fringues, hein, les mecs ?
Afin d’asseoir la notoriété et la popularité du Skateboard, on va le mettre entre les mains d’un jeune personnage auquel tous les adolescents se sont identifiés : Marty McFly !!! Les scènes de skate présentes dans les 3 « Retours vers le futur » sont des références du cinéma. Tout adepte du cinéma 80’s connait les acrobaties de Marty avec son SkateBoard, sa vieille planche de 1955 ou le HoverBoard de 2015, celui qui flotte dans les airs sans roulettes. Ces scènes mythiques ont donné envie à des milliers de gosses de se mettre au skate, se faire tracter par des voitures, aller avec au lycée, etc …
Dans un registre cinématographique plus sportif (ou plus navrant, c’est selon), nous avons retrouvé LE film traitant du Skateboard comme aucun autre : « Trashin’ », en français « Skate Gang », qui date de 1986. Ce film est une pépite nanardesque absolument indispensable pour tout amateur de skateboard. On y voit un concentré absolument hallucinant de tous les clichés de la jeunesse californienne des années 80.
Visez donc un peu l’histoire : Les gentils sont des ados gentils qui jouent au skate gentiment et s’amusent gentiment sans ennuyer les gens gentils. Ils sont habillés en chemises à fleur et en bermudas fluo, et certains ont même des appareils dentaires pour bien montrer à quel point ils prennent au sérieux leurs problèmes de jeunes gentils.
Les méchants, eux, sont méchants. Ils font du skate méchamment en ennuyant les gens méchamment : ils sautent sur les voitures avec leurs skates, ils bousculent les gens sans défense dans la rue. Ils ne font rien de leurs journées à part écouter du hard rock et boire de la bière. Ils sont fringués comme les méchants dans les clips de MTV, c’est à dire en cuir usé et jeans déchirés. Certains ont même des boucles d’oreille avec des têtes de mort, c’est dire d’ils sont méchants.
Forcément, quelquefois, les gentils rencontrent les méchants, lors de certaines compétitions de skate par exemple. Et là, les méchants font rien qu’embêter les gentils en sabotant leur matériel ou en mettant des clous sur la piste pour crever les pneus des skates (véridique !).
Et ce qui devait arriver arriva : une jolie blonde, la sœur du chef des méchants, tombe amoureuse du chef des gentils, rajoutant un peu plus au tragique de la situation, et à la gravité du scénario dramatiquement poignant. Dès lors, c’est la guerre. Les méchants brûlent la rampe des gentils et cassent le bras du chef des gentils, ce qui ne l’empêchera pas de participer à la méga course de skate en descente de fin d’année … et de la gagner devant sa dulcinée, quelques secondes devant le chef des méchants qui mort la poussière à quelques mètres de la fin, bien fait pour lui, na ! Tout le monde se réconcilie donc grâce à cette victoire, les gentils restent gentils, les méchants seront moins méchants, et l’Amérique sera toujours le pays de la Liberté et de la Fraternité.
Comme vous le constatez, l’originalité du film ne réside pas dans le scénar’ ! Plutôt dans le look clichesque au possible des personnages du film, de leurs chambres d’ados et de leur mode de vie “Skate or Die”. Toute leur vie dépend de la réussite de leur futur tic–tackick-flip daffy nose-wheelie sur la rampe, et on y voit tout de même de belles figures de la part des doubleurs. Ce navet risible au possible, reconnaissons-le, témoigne tout de même qu’au milieu des années 80, le skate représente un état d’esprit typique d’une frange de la jeunesse.
Cette mode perdurera jusqu’au début des années 90, avant que le soufflet ne retombe doucement. Le skate fascina moins les enfants, mais continua à plaire à un public compétiteur et technique. Avant de faire un joli retour il y a quelques années, mais on est tout de même loin des heures de gloire des années 80 où les ados, jeunes ou vieux, déambulaient en skate dans les rues au moindre prétexte.
Je n’ai pas échappé à ce raz-de-marée dans mon enfance. J’ai fait mes premières armes avec un petit skate rouge de la fin des années 70. Les premières étapes consistaient bien sûr à effectuer quelques mètres sur une route lisse et plate, assis sur le skate. Je devais avoir 7 ou 8 ans. Puis petit à petit, on osait plus de choses. On se mettait debout, on apprenait à tourner, puis on osait des routes de moins en moins plates, pour finalement descendre à toute allure la descente en béton des voisins et finir sa course dans le garage, et y terminer par un demi-tour contrôlé. Pour une descente réussie, je n’ai pas compté les gamelles. Sans aucune protection, cela va de soi, ma mère était devenue une des plus fidèles clientes d’Hansaplast.

Et bien sûr, on s’essayait aux figures. La plus simple était d’effectuer des “ollies”, c’est à dire sauter par dessus des obstacles lancés le plus vite possible, ou de s’essayer à descendre des escaliers (là, c’était du n’importe quoi). Un grand regret est de ne jamais avoir exercé nos talents sur une rampe, le mini-Skatepark de ma commune n’ayant été installé que plusieurs années après.
On organisait aussi des nocturnes, on s’adonnait à toutes ces dangerosités … mais dans le noir ! (Cherchez pas à comprendre, moi-même, je n’y arrive plus)
Au final, le skate m’a moins captivé que le BMX car il offrait moins de possibilités de délires. Impossible de faire les cons dans les chemins ou les bois par exemple. Impossible également d’aller à l’école sur cet engin, les routes campagnardes étaient bien trop pourries pour cela. Mais je me souviens tout de même de sacrées parties endiablées, à un âge où plus tu te gaufres, plus tu te relèves pour ne pas rester sur un échec. Si la chute fait partie de la vie, alors on peut dire que j’ai eu une vie bien remplie !!!
Aujourd’hui, je ne mets plus les pieds sur un skate que dans mon garage ou devant chez moi, juste pour voir s’il me reste un semblant d’équilibre. Mais le skate garde une grande emprise sur moi, je reste fasciné par ces équipements, et je collectionne les planches à roulette (1ère génération en priorité, et les équipements associés (casques, genouillères, coudières, etc …). ça reste pour moi le plus bel objet lié au sport 70-80, et un des symboles du fun de cette époque toute en fluo et en couleurs.
Je compte sur vous pour ne pas me laisser seul, et faire profiter tout le monde de vos exploits, accompagnés de vos plus belles photos, cela va sans dire !
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