Quand j’étais en dernière année de maternelle, je passais souvent devant la vitrine d’une droguerie (un type de boutiques en voie de disparition accélérée) qui exposait, outre des bombes de Baygon, quelques masques en plastique.
L’un d’eux me fascinait tout particulièrement : une espèce de robot avec une pseudo-corne verticale, et un petit joyau vert incrusté dans le front.
Je n’avais pas la moindre idée de qui pouvait être ce super-héros – car il était évident que c’en était un – jusqu’au jour où mon meilleur ami de l’époque, Sallah, m’expliqua qu’il s’agissait de Spectreman, et qu’il regardait ça en Algérie quand il y retournait avec sa famille. Pendant trois ans, je n’en sus pas plus.
En 1982, Spectreman fit son apparition pour de bon dans Récré A2. La série aurait dû être diffusée dès 1979, mais pour quelque obscure raison (le site http://www.planete-jeunesse.com suggère que Jacqueline Joubert aurait placé un veto personnel), elle resta dans les placards pendant un petit moment.
L’engouement fut assez immédiat. Annonciateur de Spielvan, X-Or et autres Bioman, Spectreman mettait en scène un robot dernier cri envoyé sur terre par une espèce de boule disco spatiale (« ordinator »), afin de lutter contre le Dr Gori (un chimpanzé croisé avec Lova Moor) et son âme damnée Karas (le seul gorille des deux, contrairement à ce que le nom de son comparse suggère).
L’originalité de la série était son attachement aux problèmes d’environnement : les monstres envoyés par le Dr Gori étaient autant d’incarnations de la pollution qui sévit dans les grandes métropoles japonaises.
Dans les faits, pollution ou pas, chaque épisode tournait autour de l’affrontement entre Spectreman et le monstre du jour.
Là où Spectreman tranchait avec les séries futures, c’était dans l’ambiance de comédie débridée qui régnait entre les séquences d’action : dans le civil, Spectreman a en effet pour alter-ego un flic un peu gauche et plein d’humour, prénommé « Georges » dans la version française – ce qui est effectivement très crédible.
Un Clark Kent version nipponne, en quelque sorte. Spectreman n’était pas la série phare du genre dans son pays d’origine. De même que les japonais ont toujours préféré Mazinger à Goldorak, Spectreman n’était qu’un émule d’Ultraman dont les aventures grâtinées n’ont pas eu l’honneur d’une diffusion française.
Un état de fait qui navrera uniquement ceux qui trouvent sincèrement que le Benco est meilleur que sa version Leader Price.
De mémoire, le dernier épisode fut diffusé un 22 décembre, probablement en 1983 puisque toujours dans mon souvenir, c’était un jeudi.
Tout ce que je peux dire avec certitude, c’est que le gadget de Pif de la semaine précédent était le lance-spaghettis, mais on s’éloigne du sujet.
Dans ce dernier épisode, Spectreman finissait par lasériser l’impayable Karas ; quant au Dr Gori, après avoir été vertement rappelé à l’ordre par notre héros (« Avec votre génie, imaginez ce que vous pourriez apporter à l’humanité, blah, blah »), il préférait se jeter d’un précipice tout en se faisant exploser (deux précautions valent mieux qu’une) non sans avoir lancé un mythique « ce n’est pas à un vieux singe qu’on apprend à faire des grimaces ».
C’est très probablement la manière dont l’interprète a également fini après avoir touché son chèque.
Vous qui avez éprouvé un indicible malaise en téléchargeant le générique de Spectreman dès l’invention du MP3 (« Bizarre, c’est bien ça, et en même temps, c’est pas pareil »), vous n’êtes pas fou : la version 45t (interprétée par Richard Dewitte) n’est pas la même que la version du générique TV (interprétée par Marc Pascal, et sans doute plus ancienne).
La première est celle qui circule beaucoup sur le Net, tandis que la seconde est celle que l’on a plus probablement entendu pendant notre jeunesse. La différence n’est pas énorme, mais suffisante pour qu’un trentenaire un peu sensible débute une psychanalyse.
Rien que pour vous, nous vous proposons plus de 8 minutes d’un épisode de Spectreman intitulé La menace de Zeron. Quelques petites précisions s’imposent.
Pour commencer, la numérisation a été effectuée depuis une cassette du commerce (et non à partir d’un enregistrement TV), dont la jaquette incroyable mais vraie se trouve à côté de la vidéo. Incroyable puisqu’à notre connaissance de vidéophage, il s’agit du visuel le plus mal dessiné de l’histoire de la vidéo.
Le verso indique qu’il existe une version Betamax, ce qui ajoute encore au charme. Quant à la durée de 8 minutes et quelques secondes, elle a été dictée par deux contraintes.
La première, c’est la limitation de Youtube avec un compte standard, qui est de 10 minutes.
La seconde, c’est que les gens à qui j’ai acheté cette vidéo dans un vide-grenier ont enregistré à intervalles réguliers un JT de Jean-Pierre Pernaud sur la bande. On y apprend plein de choses sur Milli Vanilli, entre autres, mais du coup, l’épisode ne peut être suivi d’un bloc.
Il existe à vrai dire une troisième raison : je n’avais pas un autre logiciel de montage que Windows Movie Maker sous la main, et 8 minutes à ce tarif là, ça va bien ! Ceci étant, avec le recul, on se prend à comprendre qu’aucun épisode de Spectreman n’aurait dû durer plus de 8 minutes : les bastons grotesques s’éternisent et les scènes de dialogue font parfois regretter le commissaire Moulin.
Ce petit montage surréaliste vous permettra d’assister à une scène de filature invraisemblable, avec Karas déguisé en jeune femme tokyoïte (sic).
Bons souvenirs et bon courage ! 😉
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